Nous sommes en 1904. Apres Athènes et Paris, la troisième olympiade a lieu aux Etats-Unis, un pays qui a participé activement aux deux premières éditions avec de nombreuses victoires. Des j o en Amérique c’est a priori une excellente nouvelle pour le mouvement olympique. Et pourtant il faudra déchanter… A priori si je vous demande quelle ville des Etats-Unis pourrait accueillir les jeux vous allez sans doute me dire New York ou alors San Francisco, ou bien encore Chicago, voilà des destinations prestigieuses toutes prédestinées. Chicago fête d’ailleurs son centenaire en 1904, la ville est candidate, tout s’annonce bien. Sauf qu’une autre ville américaine montre les dents : elle organise une expo universelle pour célébrer un autre centenaire : celui de la vente aux Etats-Unis par Napoléon en 1803 de ce qu’on appelait alors la Louisiane, un immense territoire du Midwest américain. Et la ville qui accueille cette expo universelle et réussit à rafler les jeux olympiques à Chicago c’est Saint-Louis, au bord du Missouri. Autrement dit, en 1904, on va répéter le scénario de Paris en 1900 : noyer les épreuves sportives des jeux olympiques dans le cadre d’une expo universelle. Et tout ça dans une ville qui est loin de jouir du même prestige que la capitale française. Saint-Louis est une ville qui a connu au cours du 20e siècle un profond déclin. En ce 21e siècle, elle est une des villes au plus haut taux de criminalité du pays ce qui est tristement remarquable pour une ville de taille moyenne : niveau population, elle est seulement 19e à l’échelle des Etats-Unis. Mais attention : en 1904 elle était la quatrième ville la plus peuplée des Etats-Unis. Ce n’est donc pas pour rien qu’elle a réussi à l’époque à damer le pion à Chicago. Le grand organisateur de l’expo universelle de saint-louis James edward Sullivan est confiant et ambitieux : il promet par écrit à Pierre de Coubertin « le plus splendide ensemble d’exploits sportifs que le monde ait jamais vu ». Et pourtant. Saint-Louis va d’emblée se trouver confronter à un énorme problème : l’absence d’une réelle participation internationale. Ces jeux olympiques ressemblent furieusement à des jeux américains. Jugez plutôt : sur les 650 athlètes recensés, 523 viennent des Etats-unis. Soit 80 % ! La deuxième nation représentée c’est le Canada, bref la participation européenne à ces jeux de Saint-Louis est très symbolique : 17 allemands, 14 grecs, 3 britanniques , 1 français et 1 italien et encore ces deux-là vivent aux Etats-Unis. Comment l’expliquer ? D’abord le contexte international compliqué, dominé par la guerre russo-japonaise, ensuite le coût du voyage et enfin le peu de motivation des athlètes européens qui devraient entreprendre un long voyage pour se confronter à des sportifs américains surentraînés. A quoi bon ? Pierre de Coubertin disait pourtant que l’important c’est de participer…Or lui-même qui vit mal la rivalité avec les organisateurs américains s’abstient de faire le voyage. Les Américains sont amèrement déçus : ils étaient venus en masse à Athènes et Paris et espéraient une réciprocité… Deuxième souci de ces JO de 1904. La fameuse épreuve mythique du marathon tourne au fiasco. Temps du vainqueur : 3h28minutes53 secondes, soit le plus long de l’histoire du marathon. La raison ? un départ donné à 15h au mois d’août par 32 degrés, et 90% de taux d’humidité, 7 collines à gravir, la fin du parcours en plein trafic urbain et seulement deux ravitaillements en eau aux kilomètres 10 et 20, puis plus rien ! Et le pire c’est que ce n’est pas de la négligence mais la volonté des organisateurs qui voulaient tester les effets de la déshydratation sur le corps humain. Plusieurs participants frôlent la mort à force de manger littéralement des kilos de poussière. Ajoutez-y que le vainqueur avouera avoir pris de la strychrine – le dopage déjà – et que la course a bien failli couronner un sacré tricheur : un maçon new-yorkais Fred Lorz s’est présenté le premier dans le stade sous les vivas de la foule mais il avait parcouru la moitié de la course en voiture ! Bref, ce marathon de saint-louis ne restera pas dans l’Histoire pour son esprit sportif. Mais il y avait encore pire dans ces jeux de saint-louis. Le véritable scandale fut l’organisation des jeux anthropologiques : entendez par là réservé aux primitifs qui proviennent des zoos humains très en vogue à l’époque. Des zoos, des villages primitifs qui ne sont pas réservés à l’Amérique, on les trouve en Europe dans des expos coloniales mais la démarche de ces jeux de 1904 réservé aux primitifs va plus loin : il s’agit en quelque sorte de prouver que les capacités athlétiques des sioux, des zoulous ou des patagoniens sont inférieures à celles des Blancs, de briser le mythe selon lequel les bons sauvages vivant dans la ...
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