エピソード

  • Chronique de cinq années de perspectives ouest-africaines sur un monde chaotique
    2024/10/27

    C’est la dernière de « Ça fait débat avec Wathi », après près de cinq ans de présence hebdomadaire à cette antenne.

    Oui, toute chose a une fin et c’est avec une réelle émotion que Gilles Yabi dit au revoir aux nombreux fidèles de ce rendez-vous inauguré le 9 novembre 2019. 230 chroniques, une très grande diversité de sujets de réflexion concernant des pays d’Afrique de l’Ouest, du Centre et des autres régions du continent africain. Mais aussi un regard ouest-africain sur l’actualité internationale. Une actualité extrêmement chargée, dominée par un enchaînement de crises au cours des cinq dernières années.

    La pandémie du coronavirus en 2020 bien sûr et tout ce qu’elle a révélé, confirmé et bouleversé dans la marche du monde, le départ chaotique des troupes américaines d’Afghanistan en 2021 et les leçons dérangeantes qu’il a fallu enfin tirer sur les choix des grandes puissances au gré des intérêts fluctuants de leurs décideurs au fil du temps. La guerre du Tigré en Éthiopie de 2020 à 2022 avec un épouvantable bilan humain et des crimes de masse toujours impunis. Depuis 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses multiples conséquences sur les pays africains. Depuis avril 2023, une nouvelle guerre au Soudan qui n’en finit pas de détruire ce pays au cœur du continent et de fragiliser tous ses voisins. Et depuis octobre 2023, la guerre sans aucune limite d’Israël à Gaza en réponse à l’attaque terroriste du Hamas et son extension aujourd’hui au Liban et même à l’Iran.

    Mais la majorité de nos rendez-vous ont surtout été consacrés au décryptage des évolutions politiques et sécuritaires en Afrique de l’Ouest, malheureusement négatives au cours de ces dernières années.

    Oui, on aurait voulu proposer une balance plus équilibrée entre des sujets positifs mettant en valeur les progrès réels dans différents secteurs économiques, technologiques, sociaux et culturels. Ou encore la myriade d’initiatives individuelles et collectives qui changent la vie de milliers ou de millions de personnes dans les pays africains. Mais il était indispensable, moralement indispensable, de regarder en face la réalité de la montée de la violence, de l’insécurité et de la fascination pour la guerre, de ne pas ignorer les signes palpables de la capture de l’État par des groupes au pouvoir même dans des pays prétendument démocratiques, de fermer les yeux sur le retour à la loi du plus fort, du plus cynique. Cela se traduisant par des disparitions forcées, des arrestations arbitraires et des condamnations abusives par des institutions judiciaires décrédibilisées.

    Il aurait été irresponsable de ne rien dire de ce que pourraient devenir une grande partie de l’Afrique de l’Ouest, et d’ailleurs de l’Afrique centrale aussi dans quelques années. Cela si de nouvelles raisons d’espérer une vie plaisante et valorisante n’étaient pas vite offertes à des dizaines de millions de jeunes et d’enfants ultra-majoritaires partout.

    En tant que plateforme de réflexion et de débat public, nous sommes avant tout ancrés dans la réalité, tenus par une exigence de lucidité dans notre regard sur notre partie du monde telle qu’elle est, sur toutes les parties du monde telles qu’elles sont et sur les perspectives que tout cela dessine.

    « Ça fait débat avec Wathi »sur RFI s’arrête, mais le travail de Wathi se poursuit bien sûr sur toutes vos plateformes

    Absolument, ce rendez-vous – fruit d’une collaboration informelle entre Wathi et RFI sans aucune dimension financière - a permis de refléter une partie de nos publications, de nos tables rondes, de nos dialogues. Ce travail se poursuit et continuera à s’amplifier à partir du site internet, de la chaîne YouTube, de nos pages sur les principaux réseaux sociaux, accessibles à toutes et à tous. À très bientôt donc !

    Pour aller plus loin

    Les chroniques Ça fait débat sur RFI depuis 2019 :

    Le site internet de WATHI :

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  • Au Bénin, un code électoral bien étrange et un malaise politique profond
    2024/10/20

    Au Bénin, un code électoral bien étrange et un malaise politique profond... Wathi a organisé le 10 octobre dernier une table ronde virtuelle sur les « Réformes électorales et perspectives politiques au Bénin », l’occasion d’examiner les réformes du cadre électoral et des réformes institutionnelles de manière générale mises en œuvre sous la présidence de Patrice Talon

    Oui, ce fut l’occasion aussi de se projeter dans les prochains mois alors que des élections communales, législatives et présidentielle prévues en 2026 sont déjà dans toutes les têtes. (L’exercice a d’abord permis de mieux connaître et faire connaître les nouvelles dispositions du code électoral modifié en mars 2024, des dispositions d’une telle complexité que beaucoup de citoyens sont perdus).

    Ce code électoral durcit considérablement les conditions de candidature à la présidentielle et d’obtention de sièges de députés. Pour être éligibles, les candidats à la présidence et à la vice-présidence devront avoir le parrainage d’un nombre de députés et/ou de maires correspondant à au moins 15% de l’ensemble des députés et des maires et provenant de 3/5ème des circonscriptions électorales législatives. Et un député ou un maire ne pourra parrainer qu’un candidat membre ou désigné du parti sur la liste duquel il a été élu. (Un député ou maire ne pourra parrainer un candidat issu d’un autre parti qu’en cas de signature d’un accord de gouvernance conclu avant l’élection).

    Ce sera par ailleurs difficile pour les partis politiques d’avoir le moindre député puisque seuls pourront obtenir des députés les partis dont les listes ont recueilli au moins 20% des suffrages exprimés dans les 24 circonscriptions électorales législatives. Ce seuil de 20% dans toutes les circonscriptions pour qu’un parti puisse obtenir le moindre poste de député est un record mondial.

    Pour le pouvoir en place, ce code électoral est cohérent avec l’objectif assumé de structurer le champ politique autour de grands partis en nombre très limité

    Oui, c’est le point de vue défendu par un de nos invités, Malick Gomina, député issu d’un des deux partis soutenant le président Talon à l’Assemblée nationale du Bénin, qui explique que « les réformes ont conduit à une réduction significative du nombre de partis politiques, passant de plus de 200 à une dizaine. Cette transformation vise à simplifier le paysage politique et à favoriser une gouvernance plus stable ». Il fallait selon lui corriger le système partisan dans son fonctionnement.

    Sans surprise, le point de vue de Nathaniel Hinnougnon Kitti, enseignant-chercheur en science politique à l’université d’Abomey-Calavi mais aussi vice-président du principal parti d’opposition « Les démocrates » , est très différent. Il estime que les réformes introduites depuis l'arrivée de Patrice Talon au pouvoir ont contribué à dégrader la démocratie. Ce point de vue est plutôt partagé par les deux autres invités, qui ne sont pas des acteurs politiques, Maryse Glèlè Ahanhanzo, coordinatrice nationale de WANEP-Benin, réseau de la société civile pour l’édification de la paix en Afrique de l’Ouest et Expédit Ologou, Président du Civic Academy for Africa’s future (CIAAF), un think tank béninois.

    La principale recommandation est la relecture du code électoral perçue comme un facteur de crise potentiellement grave

    Tout à fait et cela traduit un malaise beaucoup plus profond. C’est la paix, la stabilité politique, la cohésion nationale et l’avenir des libertés individuelles qui sont en jeu. Maryse Glélé Ahanhanzo a demandé avec gravité aux acteurs politiques de « prendre un tout petit en compte l’intérêt des populations du Bénin » ainsi que l’ouverture d’un dialogue sur le code électoral et les conditions des futures élections. Expédit Ologou a résumé sa recommandation en un mot : Talon, le nom du président. Il faut, dit-il, « encourager, inciter le président Talon à dialoguer », et il ne faut pas faire de la question de l’après 2026 une question taboue parce que les perspectives de paix au Bénin en dépendent. Malheureusement, cela signifie que les institutions du pays qui a inauguré les conférences nationales des années 1990 en Afrique se sont considérablement affaiblies.

    ► Pour aller plus loin :

    Réformes électorales et perspectives politiques au Bénin, table ronde virtuelle, Wathi et Fondation Konrad Adenauer :

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  • L’indispensable synergie des secteurs public et privé pour innover dans les systèmes éducatifs en Afrique de l’Ouest
    2024/10/13
    L’année scolaire 2024-2025 a commencé début octobre dans un grand nombre de pays d’Afrique de l’Ouest. Wathi a organisé le 1er octobre une table ronde sur « Les innovations dans le secteur éducatif au Sénégal : les apports du secteur privé et des ONG ». Oui, cette table ronde s’inscrivait dans une série d’événements en ligne et en présentiel de Wathi sur les questions d’éducation depuis le début de l’année, en partenariat avec l’ambassade d’Irlande au Sénégal. Ce pays européen vécut l’expérience de la colonisation presque aussi récemment que les pays africains et fut il y a encore quelques décennies un pays pauvre avec une forte émigration. Comme tous les pays qui ont significativement amélioré les conditions de vie de leurs populations, l’Irlande a beaucoup investi dans son système d’éducation et de formation, avec une attention particulière à l’égalité d’accès entre garçons et filles, à l’enseignement des sciences et des technologies et aux innovations. Nous considérons que toutes les expériences sur tous les continents peuvent et doivent nous inspirer. S’inspirer ne signifie pas copier et reproduire à l’identique. En choisissant le thème des innovations portées par le secteur privé de l’enseignement et les organisations non gouvernementales, nous voulions encourager un partage de connaissances entre les écoles privées qui ont plus de flexibilité dans leurs approches pédagogiques, dans leur manière de passer des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être et le secteur public qui accueille le plus grand nombre d’écoliers, d’élèves et d’étudiants. La place du numérique, les changements nécessaires dans la manière d’enseigner aux enfants de la génération actuelle, les implications du développement de l’intelligence artificielle, les conditions d’enseignement précaires dans les zones rurales et même dans des quartiers d’une ville comme Dakar, tout cela a été abordé lors des échanges...Tout à fait, des échanges passionnants grâce à l’expérience et à l’engagement de nos invités qui ont partagé leurs inquiétudes quant au rythme beaucoup trop lent des changements du système éducatif sénégalais dans le contexte d’un pays extrêmement jeune, et de l’observation d’une impréparation d’une majorité de jeunes diplômés aux exigences du marché du travail et d’un entrepreneuriat digne de ce nom.Yasmine Sy, Directrice académique du groupe SupDeco Dakar, une école de commerce, Sandrine Lemare qui dirige la Soft Skills Academy de l'Institut supérieur de management (ISM), ont souligné le besoin de donner plus d’importance à ces compétences douces transversales qui manquent beaucoup aux jeunes, la connaissance de soi, de sa culture et de son environnement, la curiosité, la créativité, l’engagement pour la communauté… Il est évident que les groupes privés en particulier au niveau supérieur ont beaucoup plus les moyens d’introduire des innovations que les établissements publics. Mais là aussi, il ne s’agit pas de copier et de répliquer mais de s’inspirer de ce qui se fait de prometteur dans un espace donné pour imaginer des solutions plus frugales dans un espace plus large, celui de l’enseignement public. Il ne faut pas perdre de vue des défis majeurs comme le contrôle et la régulation des écoles privées et les conditions matérielles encore très précaires de nombre d’établissements publics et même privés...Tout à fait. Mamadou Cissé, qui préside l'Union nationale des écoles privées laïques du Sénégal, a témoigné de l’absence de fait d’un contrôle effectif de la qualité des apprentissages dans les établissements privés, hors de l’enseignement supérieur. Les plus de 5000 écoles privées dûment enregistrées sont très rarement contrôlées par des inspecteurs de l’éducation nationale, en nombre largement insuffisant. Des centaines d’écoles privées n’ont par ailleurs aucune existence légale et font passer les examens nationaux à leurs élèves sous le couvert d’écoles enregistrées. Abdou Sarr, formateur au sein de ARED, Associates in Research and Education for Development, une ONG qui a développé une expertise reconnue dans l’introduction des langues nationales sénégalaises dans le système éducatif, à travers la production de manuels adaptés, a insisté sur l’implication nécessaire et légitime de toutes les catégories de la société, dans la définition du type d’école que l’on veut pour le pays. C’est précisément l’objectif que nous poursuivons en organisant ce type de rencontres. ► Pour aller plus loin - Sénégal : appel à une synergie pour réformer le système éducatif- Éducation privée au Sénégal / Avec un faible taux de scolarisation : Plus de 5 000 établissements autorisés- Renforcement et transformation des systèmes éducatifs en Afrique...
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  • Association internationale pour le développement: reconstitution des ressources et la fin bienvenue des huis clos
    2024/10/06
    Ça fait débat avec Wathi, comme chaque dimanche sur RFI avec vous Gilles Yabi. Vous avez modéré, au nom de Wathi, un forum régional de la Banque mondiale sur la reconstitution des ressources de l’Association internationale de développement qui s’est tenu en juillet dernier à Cotonou. Alors que les assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI se tiennent fin octobre à Washington DC, vous nous expliquez en quoi consiste cette Association internationale pour le développement. Oui, l’Association internationale de développement, plus connue sous son acronyme IDA (International Development Association), représente la principale source de financement de la Banque mondiale pour les 75 pays les plus pauvres de la planète. 39 se trouvent en Afrique. Les ressources de l’IDA sont allouées aux différents pays sous forme de dons et de prêts à taux d’intérêt réduit, pour le financement de leurs programmes de développement. Le Groupe de la Banque mondiale regroupe aujourd’hui cinq institutions qui ont des missions, des clients et des modalités d’intervention différents. La Banque mondiale a été créée en 1944 sous le nom de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) avec pour mission de contribuer au financement des pays qui sont sortis économiquement dévastés de la Deuxième Guerre mondiale. La BIRD fournit désormais des prêts, des garanties, des produits de gestion des risques et des services de conseil aux pays à revenu intermédiaire et aux pays pauvres considérés comme solvables. L’Association internationale pour le développement a été créée plus tard, en 1960. C’est la première fois que la Banque mondiale organise des forums régionaux dédiés au recueil des avis des organisations de la société civile, des think tanks et chercheurs à l’occasion de la reconstitution de ces ressources ?Tout à fait. Tous les trois ans, les ressources de l’IDA sont reconstituées, c’est-à-dire que les pays donateurs dans le monde allouent des ressources au Fonds qui sont ensuite réallouées par la Banque mondiale aux pays bénéficiaires. C’est donc un moment clé parce que l’enveloppe peut augmenter, ou se réduire. Lors de la dernière reconstitution de l’IDA en décembre 2021, ce sont 93 milliards de dollars américains qui avaient été mobilisés pour la période 2022-2025. L’affectation des ressources de l’IDA est guidée par des orientations stratégiques qui font l’objet de consultations. Celles-ci avaient jusque-là été limitées aux gouvernements des pays contributeurs et des pays bénéficiaires. Un sommet de chefs d’État africains avait eu lieu notamment à Nairobi en avril dernier. Cette année, la Banque mondiale a donc organisé des forums avec la société civile sur tous les continents, dont celui de Cotonou pour les 22 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre.Vous estimez qu’il est aujourd’hui essentiel de sortir les discussions sur le financement des économies africaines et sur le rôle des institutions financières internationales comme la Banque mondiale et le FMI, des cercles fermés des décideurs politiques et des économistes ?Absolument. De la même manière qu’il y a une exigence de réformes du Conseil de sécurité, il y a un impératif de réformes au niveau des institutions financières internationales. Cette dynamique a été enclenchée à la Banque mondiale qui a publié en janvier 2023 une feuille de route sur son évolution (Evolution Roadmap). Les acteurs de la société civile des pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre n’ont pas manqué de poser des questions et de donner leur avis sur ce qui devrait changer dans l’approche de la Banque mondiale. Le processus de reconstitution des ressources de l’IDA s'achèvera les 5 et 6 décembre prochains à Séoul en Corée du Sud, avec la réunion finale d’annonce des contributions des pays donateurs. Comme la Chine, l’Inde, le Chili, la Turquie, la Corée du Sud fait partie des 36 pays qui sont passés en quelques décennies de pays bénéficiaires de l’IDA à pays donateurs. L’occasion de rappeler que c’est d’abord et avant tout la détermination des décideurs dans chaque pays du monde à améliorer les conditions de vie de leurs concitoyens qui fait la différence. ►Pour aller plus loinSite internet de l’Association internationale de développementOrientations stratégiques d’IDA21Le Danemark annonce une augmentation de 40 % de sa contribution à l’IDAÉvolution du Groupe de la Banque mondiale : Rapport aux Gouverneurs Consultations sur le processus d’évolution du Groupe de la Banque mondiale
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  • Sécurité dans le Sahel et les pays côtiers voisins: un état des lieux préoccupant
    2024/09/29
    Ça fait débat avec Wathi, comme chaque dimanche sur RFI. Gilles Yabi, vous avez organisé le 19 septembre dernier une table ronde sur la situation sécuritaire au Sahel et dans les pays côtiers voisins, qui a dressé un état des lieux très préoccupant ? Tout à fait. Après deux heures et demie d’exposés des faits et des tendances récentes, on n'en est pas ressortis avec le sentiment d’une région ouest-africaine qui serait engagée dans la voie d’un retour progressif à la sécurité, à la paix, à la cohésion.Olivier Walther, consultant au Club du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest (CSAO), notre partenaire dans l’organisation de ce cycle de débats, a fait une présentation très illustrée des changements dans la géographie des violences en Afrique de l’Ouest et du Nord de 1999 à 2023. Cela avec le constat d’une diminution spectaculaire de la violence en Afrique du Nord et d’une hausse tout aussi spectaculaire en Afrique de l’Ouest.Les cartographies réalisées par le Club du Sahel montrent très clairement l’extension géographique continue de la violence. Cela avec une double dynamique de concentration dans les zones frontalières et de dispersion croissante dans de nouvelles régions d’une année à l’autre.Constat de l’échec des approches militairesLes autres invités, sur la base des évolutions récentes de la situation au Mali, au Niger, au Burkina Faso, ont fait le constat de l’échec des approches militaires quasi-exclusives adoptées dans les pays du Sahel central. Cette analyse n’est certes pas nouvelle. De nombreux experts qui connaissent les trajectoires historiques ainsi que les dynamiques sécuritaires, politiques, économiques, sociales de la région, alertent depuis des années sur les pièges de la croyance en la possibilité de réduire considérablement le niveau d’insécurité par le seul usage de la force militaire contre tous les groupes armés irréguliers. Cela en excluant toute approche politique.Le secrétaire général de l’organisation Alternative espaces citoyens au Niger Moussa Tchangari et Nana Alassane Touré, présidente de l’organisation Sahéliennes pour la gouvernance légitime, la paix et la sécurité, ont partagé leurs observations sur les zones les plus affectées par l’insécurité au Niger et au Mali respectivement. Ils ont insisté sur les implications en termes de déplacements des populations civiles, d’aggravation de la pauvreté, de sacrifice de l’éducation des enfants.Même les victoires militaires marquantes comme la reconquête de Kidal au Mali par les forces armées nationales ne garantissent ni une réduction significative de la capacité de nuisances des groupes armés hostiles ni une amélioration durable de la sécurité des populations dans une vaste région à la lisière de l’Algérie.Fahiraman Rodrigue Koné, chef de projet Sahel au bureau régional de l’Institut d’études de sécurité (ISS) pour l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et le bassin du lac Tchad, a de son côté souligné les tensions entre les pays sahéliens et leurs voisins côtiers. Celles-ci compliquent l’indispensable coopération sécuritaire régionale. Il a particulièrement appelé à une implication de l’Union africaine pour combler le vide laissé par une Cédéao paralysée.La menace des groupes armés se poursuit chez les pays côtiers voisinsDans les pays côtiers voisins immédiats des pays du Sahel central, la menace des groupes armés reste aussi intacte. Ella Abatan, chercheuse principale à l’Institut d’études de sécurité qui travaille spécifiquement sur les pays côtiers, a insisté sur le rôle clé et ancien de ces pays dans l’économie des conflits de la région. Cela en faisant partie des chaînes d’approvisionnement des groupes armés. Les relations économiques et humaines entre les pays du Sahel et leurs voisins du Nord comme du Sud ont toujours été intenses. Il est illusoire de penser que les pays comme la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo et le Ghana pourront être protégés durablement de l’insécurité si la situation sécuritaire continue à se dégrader au Sahel.La violence s’inscrit dans des contextes locaux, nationaux, transfrontaliers et internationaux où agissent une multitude d’acteurs qui poursuivent différents objectifs et qui s’adaptent en permanence aux réponses sécuritaires des États. C’est pour cela qu’une foi démesurée dans la capacité des drones, des blindés et de la propagande martiale à restaurer la paix est à la fois malsaine, dangereuse et sans issue. C’est vrai qu’un peu partout dans le monde, on est dans un grand moment de fascination pour la guerre totale comme moyen de résolution des conflits. Au moins les autres tirent-ils quelques avantages économiques de l’excellente santé de leurs industries d’armement.►Pour aller plus loinÉtat des lieux sécuritaire dans le Sahel et les pays côtiers, table ronde ...
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  • Guinée: entre reniements, confiscation du pouvoir et disparitions forcées
    2024/09/22
    L’actualité en Guinée a été dominée ces derniers jours par l’arrestation au Liberia et le retour en prison du colonel fugitif Claude Pivi, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour crimes contre l’humanité à l’issue du procès du massacre du 28 septembre 2009. Il s’agit d’une bonne nouvelle mais Gilles Yabi rappelle qu’on est toujours sans aucune nouvelle de deux acteurs majeurs de la société civile enlevés par des militaires depuis plus de deux mois. Il faut saluer l’aboutissement du procès du massacre du 28 septembre 2009 et les condamnations de l’ancien président Moussa Dadis Camara, de Claude Pivi et de quelques autres. Mais cela ne doit pas faire illusion : l’exercice du pouvoir à Conakry reste caractérisé par la mauvaise foi, la violence et l’impunité. Sur le plan du respect des engagements, de la charte de transition et de la parole donnée, pas de changement par rapport à la junte de Dadis Camara à l’époque puisque le général Mamadi Doumbouya affiche désormais tous les signes d’une volonté de rester au pouvoir au-delà de la période de transition, en étant très probablement candidat à un futur scrutin présidentiel. Les personnalités politiques civiles qui l’accompagnent répètent ces jours-ci à l’envi qu’aucun citoyen ne doit être exclu de la prochaine élection, comme si la charte de transition n’avait jamais existé. Pas de changement non plus dans la brutalité des forces armées pour neutraliser tous ceux qui militent pour un retour à un pouvoir civil démocratique et pour la construction d’un État de droit. Ceux qui en font les frais s’appellent Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, deux des principaux responsables du Front national de défense de la constitution (FNDC), mouvement qui avait incarné la contestation pacifique du troisième mandat du président Alpha Condé. C’est aussi ce mouvement qui, contrairement à beaucoup d’autres, a très vite perçu le danger d’une confiscation durable du pouvoir par le général Doumbouya. Ces deux leaders de la société civile ont été arrêtés par des éléments des forces de défense et de sécurité mais aucune autorité n’a endossé la responsabilité de ces événements du 9 juillet dernier. Cela est très inquiétant, dites-vous...Oui. Un jeune militant du FNDC, Mohamed Cissé, avait été emmené par les hommes armés cette nuit-là en même temps que les deux responsables du mouvement. Il a été relâché le lendemain, et a raconté plus tard dans un témoignage vidéo glaçant les circonstances détaillées de ces enlèvements, les menaces, les coups, les gifles, les tortures subis par les trois hommes. Plus aucune nouvelle des deux dirigeants du FNDC depuis lors. Le 22 juillet dernier, les épouses des deux hommes ont déposé une plainte en France pour disparition forcée contre le général Mamadi Doumbouya, ancien légionnaire de l’armée française, du fait de sa double nationalité présumée.Les épouses des deux responsables du FNDC ont récemment appelé le général Mamadi Doumbouya à leur transmettre des signes de vie de leurs conjoints. « Aujourd'hui, tous les Guinéens sont des Oumar Sylla Fonikè Manguè et des Mamadou Billo Bah, Les gens ont tendance à s'asseoir et dire ''tant que je ne suis pas directement victime, cela ne me regarde pas" », a déclaré une des conjointes, plus angoissée que jamais. Elle a parfaitement raison. Au-delà du sort de ces deux hommes, ce qui est en jeu selon vous, c’est la poursuite des pratiques brutales qui détruisent l’avenir des Guinéens depuis des décennies.Oui. Les meneurs du FNDC avaient depuis 2019 de nombreuses occasions d’abandonner leur lutte et ils pouvaient comme beaucoup d’autres se ranger après le coup d’État de Mamadi Doumbouya : accepter une fonction publique pour se constituer une petite cagnotte et vivre plus confortablement, louer « les qualités exceptionnelles » des hommes forts du moment et ne plus prendre le risque d’être martyrisé. Les personnes de caractère et de principe représentent un cauchemar pour les dirigeants prêts à tout pour conserver le pouvoir. Lorsque leurs voix se font éteindre sans aucune conséquence, il n’y a plus aucune limite à la loi du plus fort, du plus violent. La Guinée en est toujours là. Pour aller plus loin:- Témoignage Mohamed Cisse codétenu de Foniké Mangué et Billo Bah- Deuxième partie du témoignage de Mohamed Cissé, codétenu de Foniké Mangué et Billo Bah- Troisième partie du témoignage du camarade Mohamed Cissé, ex codétenu de Foniké Mangué et de Billo Bah- Dernière partie du témoignage du camarade Mohamed Cissé ex codétenu de Foniké Mangué et Billo BahÀ lire aussiGilles Yabi : « La Cedeao demeure frileuse face aux dérives du pouvoir en Guinée »- Peut-on rectifier la trajectoire de la transition en Guinée ? Table ronde virtuelle Wathi et ...
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  • L’hécatombe des jeunes migrants et leurs rêves légitimes
    2024/09/15
    Gilles Yabi évoque les drames migratoires avec un nouveau naufrage le 7 septembre 2024 au large de Mbour, sur la côte sénégalaise. J’ai partagé sur RFI il y a quelques mois des faits, des analyses, et notamment ce que nous disent les travaux de recherche sur les déterminants des migrations, en rappelant que ces mouvements de personnes sont indissociables de l’histoire de l’humanité, que c’est largement la même combinaison de facteurs explicatifs que l’on retrouve sur tous les continents, à des époques différentes.J’avais notamment parlé des théories économiques de la migration qui permettent de comprendre la concentration des flux de départs de migrants dans des localités données, dans des régions spécifiques qui ne sont pas toujours les plus démunies. On migre davantage lorsqu’on a des parents et des amis qui ont déjà migré et qui vivent plus ou moins décemment à l’étranger. La pression familiale et sociale dans une zone d’émigration pousse encore plus les autres à tenter leur chance. On peut lire et écouter les experts des migrations internationales, mais on peut aussi voir un film récent qui vous a beaucoup marqué…Oui, il s’agit de Moi, capitaine, sorti en septembre 2023 en Italie, pays d’origine du réalisateur, Matteo Garrone, puis sorti en salles au Sénégal et en France en janvier 2024. Nommé aux Oscars et aux Golden Globes, le film a reçu au festival international de Venise le prix de la mise en scène et le prix d’interprétation masculine décerné au jeune acteur amateur sénégalais Seydou Sarr, âgé de 19 ans, époustouflant dans son rôle. Le réalisateur raconte que l’idée lui est venue d’une visite d’un centre pour adolescents migrants en Italie. Basé sur des histoires vécues par ces jeunes, le film raconte le périple périlleux de deux adolescents sénégalais qui décident de partir pour l’Europe en traversant le Sahara, puis la Libye où sévissent des trafiquants d’êtres humains qui infligent d’atroces tortures aux migrants, avant de se lancer dans la traversée de la Méditerranée. Comme après chaque naufrage, des survivants qui ont vu des amis mourir quelques heures plus tôt, se disent prêts à tenter à nouveau leur chance dès que possible…Oui et cela nous paraît fou mais c’est parce que nous ne pouvons simplement pas nous mettre à la place et dans la tête de ces garçons de 17 ans, de ces jeunes hommes de 25 ans, de ces jeunes femmes de 30 ans, parfois accompagnées de bébés, de ces hommes qui ont un emploi ou une petite boutique, qui sont prêts à tout pour aller en Europe ou en Amérique du Nord. Il faut bien sûr tout faire pour stopper l’hécatombe des candidats à la migration clandestine. Mais il faut aussi dire et surtout montrer aux jeunes du Sénégal, de Gambie, de Mauritanie, de Guinée et d’ailleurs, qu’ils ont un formidable potentiel, que leurs vies ont de la valeur. Il faut reconnaître que leurs rêves sont aussi légitimes que ceux de tous les jeunes sur les autres continents. C’est à tous ceux qui peuvent voyager sans risque pour voir à quoi ressemble le reste du monde, de porter un regard bienveillant sur ces adolescents et ces jeunes adultes qui rêvent de faire quelque chose d’utile et de bon de leur vie, dans leur pays ou partout ailleurs. Et il faut saluer, soutenir, amplifier les initiatives qui, dans tous les pays africains, redonnent concrètement espoir à des milliers de jeunes, en créant des opportunités de formation, d’encadrement professionnel, de valorisation de leurs talents. Je peux citer le Consortium jeunesse Sénégal qui fédère près d’une vingtaine d’organisations dédiées à la jeunesse et qui porte un plaidoyer constant auprès des décideurs politiques et économiques du pays sur toutes les questions cruciales pour la jeunesse, autrement dit, les questions cruciales pour l’avenir du pays. Ce modèle commence à inspirer d’autres dans la région et cela est très prometteur. ►Pour aller plus loinÀ lire aussiCe que disent les théories économiques sur les déterminants des migrationsÀ lire aussiL’indifférence et le refus de trouver des solutions aux crises migratoires tuent aussi et beaucoupÀ lire aussi«Moi, capitaine», ou rêver au péril de sa vieÀ lire aussiRetour au Sénégal pour les héros du film italien "Moi, capitaine" Le Consortium jeunesse Sénégal
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  • L’alphabétisation, une priorité en Afrique de l’Ouest
    2024/09/08
    Dimanche 8 septembre, le monde entier célèbre la Journée internationale de l’alphabétisation. On en parle avec vous Bergedor Hadjihou, vous êtes Chargé de recherche et membre du groupe de réflexion Citoyen pour l’Afrique de l’Ouest, Wathi. Oui. Selon l’Unesco, une personne est considérée comme analphabète lorsqu'elle est incapable de lire et d'écrire, en le comprenant, « un exposé bref et simple de faits qui ont trait à sa vie quotidienne ». Le taux d'alphabétisation indique donc le pourcentage d'adultes âgés de plus de 15 ans qui n'entrent pas dans cette définition.En plus du défi des millions d’enfants non scolarisés, plusieurs pays ouest-africains sont confrontés à des taux d’analphabétisme élevés de leurs populations. En 2020, 60 millions sur environ 208 millions de Nigérians, soit près de 30 % de la population ne savaient ni lire ni écrire dans aucune langue, selon la Commission nationale pour l’alphabétisation de masse. Le taux d’alphabétisme est tout aussi faible au Mali, (31 %) et au Niger (38 %). Il est de 47 % au Bénin, mais de 80 % au Ghana, un bon exemple dans la région.À lire aussi«Trop d’enfants reçoivent un enseignement dans une langue qu’ils ne comprennent pas»En effet, dans les systèmes éducatifs africains, la réalité des apprentissages pose problème. En Afrique de l’Ouest, près de 50 % des enfants n’ont pas les compétences attendues à la fin du premier cycle. En Côte d’Ivoire, seulement 17 % des enfants de 10 ans sont capables de lire et de comprendre un texte adapté à leur âge. Ce taux est estimé par l’Unesco à 26 % au Burkina Faso et 31 % au Sénégal. Ce phénomène de retard dans la compréhension des programmes étudiés induit un décrochage plus fréquent et réduit les chances d’améliorer le taux d’alphabétisation, même à moyen terme. Et pour inverser la tendance en Afrique et partout dans le monde, l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture, pour cette édition 2024 de la Journée internationale de l’alphabétisation, demande aux États de promouvoir une éducation multilingue basée entre autres sur l’alphabétisation dans la langue maternelle. Tout à fait. On peut être analphabète en français ou en anglais, mais ne pas l’être véritablement si on sait lire et comprendre un texte dans sa langue maternelle. À côté des langues officielles héritées de la colonisation, les autres langues nationales peuvent permettre d’améliorer l’apprentissage à l’école. Des études montrent que les enfants qui reçoivent un enseignement dans leur langue maternelle et quotidienne ont 30 % de chances en plus que les autres de savoir lire à la fin de l’école primaire. Hamidou Seydou Hanafiou, docteur en linguistique et sciences du langage et enseignant-chercheur à l’université Abdou Moumouni de Niamey, que nous avons reçu lors d’une de nos tables rondes sur l’éducation, a rappelé que : « le continent africain est la seule partie au monde où dans beaucoup de pays, les enfants commencent leur éducation avec une langue qui n’est pas celle qu’ils parlent à la maison. »Que faire alors pour s’assurer de donner la priorité à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dans les pays d’Afrique de l’Ouest ? Mettre en œuvre des politiques nationales dotées d’un budget autonome, et destinées à restaurer l’intérêt notamment pour la lecture, la culture, la connaissance, au sein de toutes les classes sociales. Cela avec la création de réseaux nationaux de petites bibliothèques et médiathèques pourvues d’une connexion internet de qualité. C’était l’une des recommandations formulées par Wathi déjà en 2016. Cela reste de notre point de vue essentiel tout comme les programmes d’alphabétisation des adultes. Les investissements dans le développement des aptitudes des enfants et des adultes sont moins visibles et politiquement rentables que les investissements dans les infrastructures physiques, mais ils sont vitaux.À lire aussiÉtat des lieux de la privatisation de l’éducation en Afrique francophone: Madagascar, Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire►Pour aller plus loin : Mataki n°4 WATHI : Comment améliorer la qualité de l’enseignement primaire et secondaire dans les pays de la région ?Le défi du financement d'une éducation de masse et de qualité en Afrique de l'Ouest
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