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サマリー
あらすじ・解説
Il aimait le groove. Il rêvait d’être rappeur, pour pouvoir, dans un « flow », scander toutes ses révoltes. Isaac, né Isaac Azaly, est finalement devenu peintre. Un artiste polymorphe, passionné par la photo et la culture afro-américaine, qui a privilégié les images aux mots pour partager ses blessures, ses questionnements. Sans toutefois renier ses premières amours. Il dit avoir adapté les techniques du rap à sa peinture. À l'écouter, il ne peint pas, il compose.
Dans son petit atelier situé au rez-de-chaussée d’une vieille bâtisse tananarivienne dans le quartier d’Ankadifotsy, des notes raisonnent en permanence. C’est là qu’Isaac, 37 ans, dort, mange, reçoit, crée et rêve aussi. Une pièce unique, spartiate, dans laquelle il a accepté de se dévoiler. « Je vois la peinture comme une couche de sample. Les samples, c’est des échantillons. C’est une manière de travailler dans la composition musicale, dans le rap, lorsqu’on crée des instrumentaux », explique-t-il.
Lui ne superpose pas des sons, mais des images. En douze ans, Isaac a parfait sa technique de création. Tout commence d’abord sur Photoshop. « Je pars d’une matrice. C’est la première base du travail : c’est tous les éléments que je rassemble pour obtenir une image, une composition qui m’appartient. Et là, j’ai réuni différents éléments de différentes photographies, des parties qui me plaisent, et que je trouve esthétiques, et qui correspondent à ma vision des choses en ce moment. Des choses plus abstraites, qui laissent plus libre cours au voyage, à l’émotion, bien plus qu’avant. »
« Pas de frontière, pas de barrière »Quelles que soient ses phases, Isaac s’est donné un principe : donner de la dignité aux personnes qu’il représente, par leur regard ou par leur attitude. Cette dignité, dit-il, qu’on a retiré aujourd’hui au peuple malgache et qu’il se doit de compenser. « J’aurais du mal à définir mon art aujourd'hui, explique-t-il, tellement il y a de références et de mélanges. C’est ce qui définit mon identité aussi, ces différentes couches, ces différents apports, que ce soit de l’extérieur ou d’ici. J’en profite dans ma création pour être le plus libre possible. Pas de frontière, pas de barrière. »
Pas de barrière, mais des « freins » comme il les appelle pudiquement, qu’il s’est pris en pleine tête. En 2002, alors qu’il est adolescent, sa famille et lui sont contraints à l’exil, pour des questions politiques et sécuritaires. D’abord les Comores, puis la France et ses discriminations. « Une fois arrivé là-bas, j’ai compris ce que c'était d’avoir la peau noire. C'était une expérience à la fois traumatisante, mais aussi riche. Quelque part, je me suis construit une identité plus forte à travers ma couleur de peau. Quand je suis revenu à Mada en 2007, j’avais en moi une volonté de transcender un peu la réalité. Le fait d’avoir choisi de revenir, c’était très important dans mon travail. J’avais en moi une combinaison de rage et de volonté créative. »
Et cette rage a payé. Aujourd’hui, Isaac vit de son art. Suffisamment, blague-t-il, pour avoir de quoi racheter des pinceaux et continuer à peindre. Depuis le Covid, les temps sont particulièrement durs sur l’île.
Le café avalé en bas de la rue, Isaac et son 1,90 mètre se replongent dans l’obscurité. Un vidéoprojecteur projette sur une toile sa dernière œuvre numérique. Au feutre, il fixe les contours avant de peindre. Et avant que le délestage ne l’interrompe, une énième fois. « On ne s’en plaint pas. C’est une manière de vivre. C'est-à-dire qu’on a accepté cette réalité très difficile. C’est la culture du seum. Le seum devient un art, une force. Même dans notre quotidien le plus dur, on a toujours envie de créer. »
Créer pour partager, provoquer l’étincelle, établir le dialogue, à Madagascar, mais au-delà de l’île, surtout. Isaac, l'enfant terrible de Majunga, s’est assagi. Mais dans ses œuvres, en embuscade : son insolence, inébranlable. « L’Arte vendica la vita », lâche-t-il malicieusement. L’art venge la vie.