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サマリー
あらすじ・解説
Monochrome ou à motifs multicolores, large ou à bords repliés, le bob en Afrique du Sud est un accessoire devenu propre à la culture des townships. Appelé en zoulou ispoti, ou bucket hat en anglais, son port a été popularité par les danseurs de pantsula, puis par le mouvement kwaito dans les années 1990. Désormais, il est sur toutes les têtes, et peut être personnalisé à l’envi.
Dans ce parc de Soweto, Lerato Mofokeng enchaîne les figures et les mouvements de danse. Sur sa tête, un accessoire indispensable : un bob à carreaux, et aux bords marrons, qu’il lance régulièrement dans les airs, ou fait tourner sur un doigt : « Cette figure-là, je l’appelle le chapeau soufflé. Et celle-là, le chapeau qui parle. En fait, on peut créer tout ce qu’on veut. »
Le jeune homme de 21 ans fait partie d’un groupe de pantsula, cette danse très énergique et créative qui est née sous l’apartheid : « Ces mouvements racontent une histoire. Ils racontent la vie quotidienne dans nos quartiers. On peut faire ce qu’on veut à partir d’accessoires : un balai, une caisse de bières vide... Et l'ispoti est aussi un accessoire, ce n’est pas juste pour s’habiller, mais ça devient un instrument pour la danse. »
À ses côtés, Lebohang Sello, qui aide les jeunes groupes de Soweto à trouver leur public, approuve en hochant de la tête : « Le pantsula est une culture née dans le quartier de Sophiatown. À l’époque, ils portaient plutôt des costumes trois-pièces et les chapeaux Dobbs. Ils s’habillaient très formellement. Mais quand les nouvelles générations sont arrivées, elles ont décidé de s’habiller de façon plus décontractée, et elles ont changé le Dobbs pour un ispoti. »
« L'ispoti est devenu un moyen d’expression »Le port du bob a aussi été popularisé par les artistes qui produisaient, dans les années 1990, la bande-son du pantsula, à savoir la musique kwaito. À l’image de rappeurs américains de la même époque, rares étaient ici les chanteurs à ne pas porter le fameux couvre-chef. Et c’est sur cette vague qu’a surfé la marque locale Loxion Kulca, qui a décidé de créer des modèles sud-africains alors que la plupart des ispoti étaient importés des États-Unis, d’Angleterre ou d’Italie. Sechaba Mogale est le co-fondateur de la marque : « On vendait aussi des jeans, des baskets, et tout ça, mais ce sont nos chapeaux qui nous ont vraiment lancé sur le marché. L'ispoti est devenu un moyen d’expression, selon comment on le porte, penché de quel côté, si on remonte un bord d’une certaine façon... Ça donne naissance à pleins de nouveaux styles. »
Mais l'ispoti a également gagné en popularité grâce à son côté subversif, lié à la culture de la rue, des voyous tsotsis et des gangsters : « Parce qu’on traînait dans la rue, on était repéré par la police, et vus comme des criminels. Donc ça a donné naissance à une attitude de défi, dans nos moyens d’expression. Et l'ispoti permettait de cacher les yeux, et de passer inaperçu... »
Les fans de kwaito ont peu à peu laissé place aux adeptes de l’amapiano, nouveau genre musical. Et l'ispoti a aussi su évoluer, devenant réversible, à bords longs ou courts, souples ou rigides, avec de nouveaux motifs. Et il n’a pas perdu sa place dans les townships : « Salut, moi c’est Sibusiso, mais on m’appelle Shavul, à cause de la façon dont je porte mon ispoti, vous voyez ? Dans notre culture, on peut reconnaître les gars qui viennent du quartier Zola, ils le portent plutôt comme ça. Mais nous à Meadowlands, les mecs cools, on le porte d’une façon différente. »
Le chapeau s’adapte désormais à toutes les générations, et à 53 ans, Jabulile Nhlabathi le porte encore, en souvenir de sa jeunesse : « Ça donne un style du ghetto. Moi, je le porte fièrement. J’en ai beaucoup, de couleurs différentes, car j’en mets vraiment souvent. »
Il n’est pas rare aujourd’hui que des touristes repartent de leur visite de Soweto avec un bob multicolore sur la tête, puisqu’il a aussi su envahir les boutiques de souvenirs.
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