Chaque 14-Juillet, la France célèbre la prise de la Bastille. Mais au-delà de cet événement majeur, l'avènement d'un nouveau régime s'accompagne d'une prise de conscience des enjeux environnementaux.
Nous sommes le 14 juillet, mais nous sommes aussi le 26 messidor, selon le calendrier républicain, adopté en France en 1792, après la décapitation du roi Louis XVI. Un calendrier calqué sur les saisons, la nature. Messidor, c'est le mois des moissons. Au printemps, par exemple, il y a le mois de floréal, pour les fleurs, etc. À chaque jour correspond une plante ou un animal. Aujourd'hui, c'est la sauge. Hier, c'était la pintade. Demain, ce sera l'ail.
La Révolution française est ainsi une étape important dans la prise de conscience environnementale (même si le mot « écologie » n'apparait, dans son sens actuel, qu'un siècle plus tard). Les questions liées à l'environnement sont particulièrement présentes pendant la Révolution. « À la veille de la Révolution française, dans les cahiers de doléances, il est constamment question d'environnement, de conflits autour de l’usage des eaux, des bois, des forêts, explique Julien Vincent, l'un des auteurs de La Nature en révolution (éditions de La Découverte), un livre sur l’histoire environnementale de la France. Il s'agit de conflits entre les populations villageoises, paysannes, et les seigneurs. Il y a une conflictualité environnementale qui est absolument omniprésente. C’est l’un des sujets le plus important de ces cahiers de doléances. » Des sujets qui seront ensuite également discutés dans les assemblées révolutionnaires et à l'Assemblée nationale.
On coupe des têtes et des arbres La Révolution française aboutit ainsi à de nouveaux usages autour de la nature. Avant, le seigneur, le noble, était tout puissant sur ses terres. Avec l'abolition des privilèges, le peuple et les paysans s'approprient les forêts, ce qui peut alors poser quelques problèmes. « Les populations paysannes vont prélever, de façon éventuellement abusive, sur les forêts, elles vont déboiser, et va donc naître l’idée de la nécessité d’une nouvelle éducation à la nature et à l’environnement : apprendre aux paysans que trop couper les bois et les forêts va entrainer toute une série de catastrophes naturelles et climatiques », souligne Julien Vincent.
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La nature a une valeur aux yeux des révolutionnaires, et même une valeur financière, alors que c'est l'énorme dette du pays qui est finalement à l'origine de la Révolution de 1789. « Pour faire face à cette crise de la dette, les révolutionnaires vont mettre en avant le capital naturel de la nation, des terres agricoles et des forêts, pour rétablir le crédit public de la nation, poursuit l'un des auteurs de La Nature en révolution. Ce qui va être à l’origine de l’assignat, une nouvelle monnaie, papier, qui n’est plus une monnaie métallique, qui est simplement un signe de la terre. »
Enfin, la Révolution débouche sur un nouveau culte, un culte de la nature. Et c'est l'arbre qui le symbolise. Partout en France, on va planter des arbres de la liberté, ce qui donne lieu, dans chaque commune, à une grande cérémonie. Et au-delà, on assiste à la naissance d'une nouvelle religion, liée à la nature. « Particulièrement pendant la deuxième moitié de la Révolution, après 1794-95, il y a une forme de nouvelle religiosité autour de la nature, précise Julien Vincent, historien à la Sorbonne-Panthéon. Le culte théophilanthrope, qui est l’un des principaux cultes républicains, accorde une valeur spirituelle à la nature. La nature devient une valeur, pas seulement financière, mais aussi une valeur religieuse et morale. » Et 236 ans plus tard, l’écologie reste une révolution.