Alors que 1400 centres d’hébergement d’urgence ont été ouverts au Sri Lanka pour accueillir les populations déplacées par les inondations dévastatrices, la question des réfugiés climatiques revient sur le devant de la scène. Une expression largement utilisée, mais trompeuse, car sans existence juridique.
Le terme « réfugié climatique » n’a aucune reconnaissance légale. La Convention de Genève de 1951 encadre strictement le statut des réfugiés politiques, mais ne couvre en effet pas les déplacements liés à des facteurs environnementaux ou climatiques.
Cela ne veut pas dire que ces situations ne nécessitent pas de protection, souligne Benoit Mayer, professeur de droit du changement climatique à l’université de Reading, au Royaume-Uni. Mais il précise : « il est très difficile de déterminer si une personne est déplacée à cause d’un changement environnemental et a fortiori à cause du changement climatique ». La dégradation graduelle des conditions de vie jouent souvent un rôle indirect, mêlée à des facteurs socio-économiques.
Dans des cas exceptionnels, comme les inondations au Sri Lanka, le lien avec le désastre est plus clair. Mais, « le concept de réfugié ne serait pas forcément pertinent, puisqu’en droit international, il indique un déplacement forcé au travers des frontières internationales ». Les personnes concernées relèvent ici d’un autre régime : celui des déplacés internes.
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Des millions de déplacés internes, mais peu de migrations internationales En 2024, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estimait que plus de 46 millions de personnes dans le monde ont été déplacées par des catastrophes climatiques. Un chiffre à manier cependant avec prudence : mesurer précisément la part du climat dans un exil reste extrêmement complexe.
Les déplacements internationaux, eux, restent marginaux. Ils pourraient augmenter dans les décennies à venir pour certains États insulaires du Pacifique — Tuvalu ou Kiribati — menacés par la montée des eaux. Mais l’horizon est encore lointain, et les incertitudes nombreuses : ces territoires disparaîtront-ils totalement ? Quelles solutions d’accueil prévoir ?
Des négociations existent déjà avec l’Australie ou la Nouvelle-Zélande pour organiser des migrations de travail ou des mécanismes de protection. Mais cela demeure limité et très éloigné de l'ampleur des crises internes, insiste Benoit Mayer : « Quand on parle du Bangladesh, on parle de centaines de millions de personnes. Ça me semble être un problème beaucoup plus important ».
Le cas des îles du Pacifique pose aussi des questions existentielles: comment préserver des patrimoines immatériels — langues, mémoires, paysages, odeurs — menacés de disparition avec le territoire lui-même ?
Ces enjeux dépassent cependant le strict cadre du droit international. En réalité, la quasi-totalité de la question des réfugiés climatiques relève du droit interne des États, puisqu’il s’agit majoritairement de déplacés dans leur propre pays.
Quant à la Convention de Genève, aucun bouleversement n’est envisagé. Outre les difficultés conceptuelles, aucun État ne souhaite rouvrir un texte fondamental dans un contexte géopolitique tendu avec le risque de se retrouver avec un régime moins protecteur qu’en 1951.
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