エピソード

  • Les archives étonnantes sur les «années cachées» de la musique sud-africaine
    2025/09/16

    Le fonds intitulé The hidden years of music, soit « les années cachées de la musique », est l’une des plus grosses collections d’enregistrements et de documents du pays qui relatent la vie musicale sous l’apartheid, en particulier dans les années 1970-1980. Tout cela a été rassemblé, à l’époque, par un passionné.

    De notre correspondante à Stellenbosch,

    Cet enregistrement de Johnny Clegg et Sipho Mchunu à leurs débuts fait partie des pépites dont le fonds des hidden years of music regorge. La conservatrice, Lizabé Lambrechts, a travaillé plusieurs années sur cette collection pour la réorganiser et en superviser la numérisation :

    « Il y a plus de 7 000 enregistrements sur vinyles, environ 30 000 photos, et quelque chose comme 7 à 8 tonnes de documents. Donc ce sont vraiment d’énormes archives. »

    Ce trésor musical est désormais conservé à l’université de Stellenbosch, mais aussi en ligne, et on le doit à un homme : David Marks, compositeur, chanteur, ingénieur du son et producteur, qui a enregistré des heures et des heures de concerts.

    David Marks au festival de Woodstock de 1969

    « David a travaillé au festival américain de Woodstock de 1969. Il y a rencontré Bill Hanley, qui lui a donné une partie du matériel de sonorisation pour le ramener en Afrique du Sud. Cela a permis à David d’organiser de grands concerts en plein air. Et il a enregistré tous ces événements, pris des photos, gardé les posters, et c’est comme ça que ces archives sont nées.

    Laissez-moi vous jouer un petit extrait… David a commencé à organiser ces concerts « Tribal Blues » à partir de 1971, et c’était parmi les seuls, en Afrique du Sud, à être interraciaux, en plein pendant l'apartheid. Donc c'étaient vraiment des moments magiques, imaginez comment cela devait être incroyable. »

    Lizabé Lambrechts conserve avec elle une petite partie de ces archives, pour achever son travail. Certains éléments ne sont pas toujours en bon état, car David Marks les a gardés dans son garage, sur la côte Est très humide.

    « Laissez-moi voir si je peux ouvrir ça ... Vous pouvez sentir cette légère odeur ? C’est une bobine du festival de musique pop de Monterey que David projetait lors de cafés-clubs qu’il organisait à Johannesburg et à Durban. Il voulait partager des films et de la musique pour que les gens connaissent ce qui se fait dans le monde. »

    De la contre-culture musicale face à l’apartheid

    Pour les chercheurs universitaires comme Ashrudeen Waggie, qui travaille sur les concerts organisés en Afrique du Sud pendant la période de boycott culturel, ce sont des documents rares : « C’est une très bonne source pour moi. Je pense que cela permet de mettre en avant une partie de l’histoire qui est restée cachée sous l’apartheid, donc c’est important. »

    Cette collection permet donc de redécouvrir la contre-culture musicale qui s’est construite face à l’apartheid et un pan de la résistance culturelle de l’époque.

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  • Afrique du Sud: Saha, des archives militantes pour comprendre la résistance quotidienne au régime d'apartheid
    2025/09/15

    À l’époque de l’apartheid en Afrique du Sud, pour contourner le contrôle de l’État raciste sur les archives, des militants en exil lancent Saha, une collecte d’archives militantes de la vie quotidienne : pamphlets, affiches de meetings, t-shirt de partis anti-apartheid... Aujourd’hui installées à l’Université de Wits, à Johannesburg, elles représentent un trésor précieux pour comprendre la lutte quotidienne de l'époque à travers des héros de tous les jours, et non pas seulement à travers des personnages célèbres tel Nelson Mandela.

    De notre correspondant à Johannesburg,

    Ce trésor se trouve au sous-sol de la bibliothèque. Après un petit escalier sombre, il y a une porte en métal, le bruit de la climatisation, puis de grandes allées d’archives. « Saha a été créé à la fin des années 1980 par des militants anti-apartheid en exil pour mettre leurs documents en sécurité, pour les mettre à l'abri du régime d'apartheid », raconte Arianna Lissoni professeur d’histoire, spécialiste de la lutte anti-apartheid et directrice des archives de Saha.

    « Nous avons plusieurs collections de photographies, plus de 4 000 affiches, des autocollants, des pin's. Nous avons aussi une très grande collection de t-shirts de la lutte. Ils se trouvent tous dans ces boîtes que vous voyez là. Là, on a des t-shirts du parti communiste, énumère Arianna Lissoni. Dans cette autre boîte, c’est un t-shirt avec le visage de Matthew Goniwe, un activiste assassiné par le régime. C’était sûrement pour ses funérailles, car il est écrit "Hamba kahle, comrade", ce qui signifie "Au revoir camarade", en zoulou ».

    Ces témoins du passé sont uniques. Comme cette cassette placée dans un grand tiroir : un enregistrement précieux qui raconte la vie quotidienne sous l’apartheid. « C'est une interview de Vesta Smith, une femme originaire d'un township métisse de Soweto. Et pour autant que je sache, il n'y a aucun autre enregistrement d'elle ! », s'enthousiasme l'historienne.

    À lire aussi30 ans plus tard, l’ombre des crimes de l’apartheid continue de planer sur l’Afrique du Sud

    À présent, le défi, c’est de faire connaître ces figures parfois oubliées pour raconter la vie de tous les jours. D’une collecte de militants en exil au départ, Saha est aujourd’hui devenu un réel vecteur d’éducation en Afrique du Sud. « Vous avez ici le mur de nos publications. Là, c’est "Entrer à Tembisa", parce que les gens connaissent Soweto ou Alexandra, mais que l'histoire du township de Tembisa n'a pas vraiment été documentée, souligne Arianna Lissoni. Il y a donc eu ce projet, en partenariat avec une photographe, des historiens et des membres de la communauté, pour raconter cette histoire méconnue ».

    Une volonté d’éduquer qui se heurte, parfois, au manque de moyens. Si Saha s'efforce de lancer de nouveaux projets pour rendre ces archives encore plus accessibles, en utilisant le digital par exemple. Souvent, les aides financières, notamment de l'État, viennent à manquer.

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  • Trafic de drogues: le Kenya, de plateforme logistique à marché de consommation émergent
    2025/09/14

    D’abord plateforme du trafic de drogue mondial, le Kenya est devenu ces dernières années un marché de consommation émergent. D’après le dernier rapport de Nacada, l’Autorité nationale pour la campagne contre l’abus d’alcool et de drogues, un Kényan sur six consomme des substances illicites. Les populations les plus vulnérables sont les plus pauvres, comme à Kibera, le plus grand bidonville d’Afrique.

    De notre correspondante à Nairobi,

    C’est à l’âge de 13 ans que Rollins Odiero Odhiambo a démarré son chemin vers l’addiction : « J'ai commencé par l'alcool illicite. Quand j'étais en primaire, ma mère en vendait pour subvenir à nos besoins. Puis, j'ai commencé à fumer de la marijuana. À l'université, des amis m'ont traîné dans la drogue. Certains ont mis des pilules dans mes verres d'alcool ».

    D’après Nacada, l’Autorité kényane pour la campagne contre l’abus d’alcool et de drogues, les médicaments détournés représentent la deuxième drogue la plus consommée chez les étudiants du secondaire. Il s’agit d’anxiolytiques ou d’opiacés. L’accès à ces médicaments est extrêmement simple, selon Fauzia Ithambo, ancienne consommatrice : « Une femme nous vend les médicaments dans le quartier. Je crois qu'elle travaille dans une pharmacie. Les pilules coûtent 40,50 ou 20 shillings, soit quelques centimes d'euros. Elles sont bleues, jaunes ou blanches. Prendre ces drogues, c'est très commun. Il y a des familles où le père, la mère, et même les enfants se droguent ».

    À lire aussiKenya: entre trafics et cartel mexicain... et si le pays devenait un producteur de drogues?

    Dans les rues de Kibera, une dose de crack coûte 150 shillings, soit moins d’un euro. Félix Kokonya est le fondateur d’Akili Bomba, une organisation qui aide les jeunes à sortir de la drogue. Lui-même en a consommé pendant près de trente ans. Pour lui, il n'y a pas de secret : si les prix sont bas, c'est parce que la demande est là : « Les drogues sont facilement accessibles car beaucoup de gens ont été poussés à consommer. Les dealers proposent une première dose à un pris très bas. Il y a des milliers de clients chaque jour. Si chacun achète trois ou quatre doses à 150 shillings chaque jour, cela représente beaucoup d'argent ».

    En 2017, le Kenya s’est doté d’un protocole national de soins aux addictions. Mais malgré cela, dans la rue, les programmes de soins et de prévention sont quasi inexistants, selon Hilda Odiaga, membre d’Akili Bomba :« Au Kenya, il n'y a que l'argent qui puisse vous aider à sortir de la drogue. Ceux qui organisent la prévention sont souvent des hommes politiques, durant leur campagne électorale. Mais une fois réélus, ils oublient ces programmes et leurs bénéficiaires. Il n'y a donc pas beaucoup d'aides qui viennent du secteur public », explique-t-elle.

    D’après Nacada, la moitié des consommateurs de drogue au Kenya ont entre 10 et 19 ans.

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  • De la censure à la restauration: l'histoire du film «Lettre paysanne» de la Sénégalaise Safi Faye
    2025/09/13

    Cinquante ans après avoir été tourné, « Kaddu Beykat » - « Lettre paysanne » en français -, le film de la réalisatrice sénégalaise Safi Faye décédée en 2023, est en cours de restauration. L'événement est d'importance, ses films étant introuvables ou alors dans un très mauvais état de conservation. Uniquement diffusées dans le circuit des festivals, les œuvres de Safi Faye demeurent largement inconnues du grand public bien qu'elle fût la première femme d'Afrique subsaharienne à réaliser un long métrage.

    « J'ai choisi le monde paysan parce que je suis paysanne, parce que mon père a été un peu à l'école, et ma mère jamais. Ce sont des paysans. Ils sont venus en ville pour travailler et j’ai voulu mettre l'accent sur ce monde qui, à lui seul, peut sauver l'Afrique et le mener à son autosuffisance alimentaire. On n'a pas d'industrie, on n'a pas de pétrole, donc il faut cultiver pour que les enfants qui naissent puissent manger à leur faim », raconte Safi Faye, en 2010. Elle évoque alors sa conception du cinéma après avoir filmé l'Afrique au plus près de sa réalité. Son film « Lettre paysanne » a été tourné avec les habitants de son village natal.

    « Safi est une réalisatrice ancrée dans sa réalité. Contrairement à ses compatriotes cinéastes qui filmaient la ville, elle, elle a préféré le rural, tous ses films parlent de la ruralité. On n’oublie pas que Safi est ethnologue, rappelle la critique de cinéma Fatou Kiné. "Lettre paysanne" a permis à Safi de s'intéresser à ce qui se passe dans son terroir, cette filmographie qui, aujourd'hui, nous sert beaucoup pour mieux connaître la société rurale, et qui reste d'actualité. »

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    En 1975, le film de Safi Faye, surnommée « la mère du cinéma africain»», a été projeté au festival de Berlin. Il y remporte un grand succès, mais sera interdit lors de sa sortie au Sénégal.

    Baba Diop, critique de cinéma, explique : « On était à l'époque de Senghor et ce dont il parlait - notamment le saupoudrage au DTT des paysans qui n'arrivaient pas à payer leurs impôts - était téméraire, il fallait le faire. Le film a donc surtout circulé en Europe, dans le milieu underground, les cinéclubs et les cinémas alternatifs. Quand j'étais étudiant en France, on l'a effectivement beaucoup regardé, étudié et partagé. C'est un cinéma du terroir. [Safi Faye] était une personne très engagée dans la cause paysanne et, malheureusement, son film a été censuré à sa sortie au Sénégal, tout comme "Lambaaye" de Johnson Traoré, qui parlait de la corruption ».

    En 2023, le festival des Trois continents, à Nantes, en France, a rendu hommage à Safi Faye en projetant neuf de ses films, dont « Kaddu Beykat ». Dans un article publié à l’occasion, il est écrit : « Ce monde paysan déborde jusque dans le destin des personnages, jusque dans les jeux des enfants, jusque dans la ville où errent les hommes. Venue elle-même de l’ethnologie, Safi Faye renverse le regard habituellement distancié du cinéma ethnographique en posant sur ses images, fermement et discrètement, sa propre voix, celle d’une fille de paysans qui nous dit : "Regardez chez moi comment on travaille, comment on vit". »

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  • Éthiopie: le succès de l'Ethio Dance Fitness, le fitness revisité du coach sportif Tomy Pluss
    2025/09/12

    Ses vidéos sur TikTok et Instagram cumulent des centaines de milliers de vues : en Éthiopie, Tomas Hailu, alias Tomy Pluss, est une star des réseaux sociaux. Coach sportif, il a notamment popularisé l’Eskista Fitness, une sorte de zumba éthiopienne mêlant musique et mouvements traditionnels avec des rythmes actuels. Marlène Panara l’a rencontré dans sa salle de sport, à Addis-Abeba.

    De notre correspondante en Éthiopie,

    Dans la salle éclairée par des néons jaunes et roses siglée Ethio Dance Fitness, une cinquantaine de personnes bougent au rythme de la musique. Tomas Hailu - que tout le monde ici appelle Tomy, son pseudo sur les réseaux sociaux - donne le tempo dans le micro.

    Khalid, originaire du Somaliland, vient au cours plusieurs fois par semaine : « C’est très amusant, les gens sont sympas. J’aime aussi l’ambiance qu’il y a ici. J’adore l’Ethio Dance Fitness, je n’ai jamais pratiqué une activité aussi géniale ».

    Tomy Pluss a fondé son concept et ouvert sa salle de sport il y a cinq ans. Les débuts n’ont pas été faciles. « Avant que je ne me lance, personne n’y croyait. Pendant trois mois, il n’y avait personne. Je faisais de mon mieux, j’essayais, mais je n’avais pas de clients », se souvient-il.

    Puis, grâce au bouche-à-oreille et aux réseaux sociaux, Ethio Dance Fitness a fini par attirer de plus en plus d'individus séduits par cette discipline originale.

    Rendre le fitness amusant

    « Pour certaines personnes, le fitness, c’est ennuyeux. Donc, on le rend amusant, on y intègre de la zumba et des danses culturelles. En Éthiopie, il existe plus de 18 danses régionales différentes issues de la culture oromia, tigréenne, guragi, afar, de Gondar, etc. Donc j’ai pris tout cela. Ainsi, les gens ne s’ennuient pas pendant l’entraînement : ils s’amusent, ils se détendent, et ils adorent ça ! Maintenant, on essaie de promouvoir notre culture dans le monde entier et notre plateforme en Europe, aux États-Unis, en Afrique, et dans les pays arabes », raconte Tomy Pluss.

    Une partie de ses adeptes vient aussi pour raisons de santé. Avant de passer la porte de sa salle de sport, il y a un an, Anna, mèches blondes attachées en queue de cheval, était en surpoids : « J’ai beaucoup maigri : avant, je pesais 96 kilos. Depuis que je viens ici, j’en ai perdu presque 40. C’est génial d’être ici, car c’est très divertissant, on s’amuse beaucoup en s’entraînant. Et alors que je ne savais pas danser avant de venir, maintenant, c'est le cas. J’ai pris confiance en moi, c’est super ! », s'enthousiasme-t-elle.

    Lors du dernier festival de fitness organisé à Adwa, dans le nord du pays, le cours donné sur scène par Tomy Pluss a attiré plus de 9 000 personnes.

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  • Madagascar: quand l'État remblaie les rizières et prive les agriculteurs de leurs parcelles
    2025/09/11

    À Madagascar, une nouvelle affaire de conflit foncier se joue à deux pas de la capitale. Aux abords de la Tsarasaotra, la rocade de 13 km de long reliant Antananarivo à son aéroport international, d’immenses travaux de remblais dans la plaine rizicole ont démarré à la mi-juillet et avancent à une vitesse impressionnante. Le projet ? Pour les habitants de la zone, c’est un mystère. Aucun panneau ne précise sa nature. Les agriculteurs qui assistent à l'enfouissement de leur unique source de revenus sous des millions de mètres cubes de terre sont dévastés et appellent à l’aide.

    De notre correspondante à Madagascar,

    Il est minuit. Le balai des camions-bennes qui déversent des tonnes de terre rouge pour combler les rizières dans la plaine du Betsimitatatra vient troubler la quiétude de la nuit. Une vingtaine d’engins se relaient sans interruption. Et quand on demande à un ouvrier ce qui se construit ici : « J’n’en sais rien ! », répond-t-il. « Nous, on nous a juste dit : "Remblayez les rizières !" ».

    Ces immenses terrains rizicoles, à quelques kilomètres seulement de la capitale, attisent l’intérêt d’entrepreneurs immobiliers qui avancent à visage masqué. Pour tenter de leur résister, 1 200 agriculteurs se sont regroupés en association pour faire valoir leurs droits. « Ces rizières, voilà 50 ans qu'on les exploite. C’est le décret 63-467 de 1963 qui nous en donne le droit. Selon le droit foncier malgache, une terre qui est exploitée pendant plus de cinq ans revient à ses exploitants », explique Jean-Baptiste Ranaivoson, membre de l’association Laniera Mamoukatra-secteur 12 en lutte depuis 10 ans. « Le problème, depuis la construction de la rocade et de l'autoroute, c'est que nos terrains sont très convoités. Depuis quelques années, on découvre que l'État malagasy a délivré des titres fonciers à des gens dont on ne connaît pas l'identité, mais qu'à nous, il n'en a pas donné. On se sent spoliés », s'indigne-t-il.

    Selon l’association, ces titres fonciers achetés sont aussitôt revendus à la chaîne à des prête-noms avertis. En quelques mois seulement, les terres auraient changé de mains plusieurs fois. Résultat : il est à présent très difficile pour les paysans de prouver leurs droits. L’association a relancé la machine judiciaire : huissiers, pôle anticorruption, référé auprès du tribunal de première Instance.

    « Ces terres, ce sont nos seuls héritages »

    Le visage irréversiblement mutilé de Carolia Andrianantoandro témoigne de la détermination de l’adversaire. « Sauf que le fait qu'on se révolte, ça dérange », déclare-t-elle. Le 8 août dernier, quelques jours après le dépôt de plainte, la secrétaire générale de l’association a été violemment agressée à son domicile. Un homme lui a porté onze coups de couteau à la tête et au cœur.

    « J'ai failli mourir. C'est vraiment une tentative d'assassinat. En partant, celui-ci m'a dit : "Arrête ça, tu parles trop". Mais moi, je ne veux pas m'arrêter », raconte Carolina. « Je suis paysanne, mais une paysanne qui a étudié. Je veux aider les gens contre l'accaparement de nos terres. Je ne veux pas qu'elles servent à la spéculation immobilière, mais à nourrir mon pays. »

    « Le gouvernement dit qu'il veut lutter contre la pauvreté, mais dans cette situation, ce sont les riches qui semblent avoir tous les droits contre nous, les paysans. Ces terres, ce sont nos seuls héritages, ce qui nous permet de vivre et de faire vivre les générations à venir », renchérit Jean-Baptiste Ranaivoson.

    Contacté, le gouverneur de la région, Analamanga Hery Rasoamaromaka, a révélé qu’il s’agissait d’un projet présidentiel. Un partenariat d’investisseurs publics privés, précise-t-il, pour la construction de « bâtiments administratifs » et d’un parc solaire, notamment. Interrogé sur le litige foncier, le gouverneur s’est dit étonné. « Des vérifications seront faites auprès des cultivateurs » et « des panneaux expliquant le projet seront installés la semaine prochaine », promet-il.

    À lire aussiMadagascar: multiplication des conflits autour de l’accès à la propriété foncière, les lanceurs d’alerte dans le collimateur

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  • Ouganda: la réintégration des anciens rebelles partis en Centrafrique [3/3]
    2025/09/10

    Troisième et dernier reportage de notre série dans le nord de l’Ouganda, à l’occasion de l’audience par contumace de confirmation des charges contre Joseph Kony à la CPI. Le leader de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA – acronyme en anglais) est accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité pendant le conflit qui a ravagé le nord de l’Ouganda entre la fin des années 1980 et le milieu des années 2000. Depuis, le groupe armé s’est exporté dans d’autres pays d’Afrique centrale. Fin 2023, 134 anciens membres, incluant femmes et enfants, ont été rapatriés de Centrafrique vers l’Ouganda. C’est le plus grand retour de repentis de la LRA ces dernières années. Après un an et demi en centre de réhabilitation et l'obtention d'une amnistie, les anciens rebelles sont retournés à la vie civile depuis quelques mois, dispersés dans plusieurs petits groupes dans la région nord du pays.

    Reportage dans le district de Pader, au nord de l’Ouganda

    Devant une maison en briques entourée de champs de sésame, de maïs et de soja, Walter Okot fait sécher les dernières récoltes : « Quand je suis arrivé en Ouganda, j’ai eu le sentiment de revenir à la maison. J’étais très heureux. On recommence à peine notre vie, mais c’est bien mieux que ce qu’on vivait avant de revenir. »

    Derrière le rideau d’entrée, l’ancien rebelle a entreposé son vélo et quelques ustensiles de cuisine, parmi les biens accumulés depuis son retour en Ouganda… Les cinq membres de son groupe ont tous passé entre 20 et 30 ans au sein de la LRA, avant de quitter l’unité principale de Joseph Kony : « C’était en 2018, nous devions le rejoindre au Darfour où il était à l’époque. Il n’avait déjà plus beaucoup de soldats. Mais on a entendu des rumeurs d’exécutions et d’arrestations parmi les rebelles, c’est ce qui nous a poussé à partir. »

    À écouter aussiOuganda: aux origines de Joseph Kony [2/3]

    Le retour des repentis en Ouganda

    Les rebelles s’installent alors à Mboki, à l’est de la Centrafrique, jusqu’à leur rapatriement en 2023. Enlevé par la LRA adolescent, Thomas Onayo, 45 ans aujourd’hui, reprend ses repères dans sa région natale, où il a pu revoir une partie de sa famille : « Ils m’ont accueilli et m’ont assuré que j’étais toujours le bienvenu à la maison. Tout le monde était heureux et m’a embrassé, mais ma mère m’a expliqué la situation de la famille. Beaucoup de nos terres ont été vendues, et ils survivent sur le peu qu’il reste. »

    Pour éviter les conflits familiaux, accompagnés par des ONG, les repentis ont reçu des terres, des maisons et des formations pour les aider dans leur réintégration. Jimmy Otema, de l’organisation Terra Renaissance : « On les a formés pour les activités qu’ils ont choisies, mais aussi sur leurs compétences sociales. Avec les chefs traditionnels, nous avons fait en sorte qu’ils soient accueillis par les cérémonies traditionnelles de réconciliation. Et puis, nous organisons parfois des réunions entre les anciens LRA et les communautés voisines. »

    Un processus de réintégration lent et progressif, destiné à mener à l’indépendance économique des repentis, qui attendent la finalisation de leur atelier de menuiserie pour pouvoir commencer à travailler.

    À écouter aussiEn Ouganda, le regard des victimes de Joseph Kony sur la nouvelle procédure de la CPI [1/3]

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  • Ouganda: aux origines de Joseph Kony [2/3]
    2025/09/08

    Deuxième épisode de notre série dans le nord de l’Ouganda. Ce mardi 9 septembre, la CPI ouvre une audience inédite de confirmation des charges par contumace contre Joseph Kony, le chef du groupe armé de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA – acronyme en anglais), groupe qui a mené pendant presque deux décennies, jusqu’au milieu des années 2000, une guerre civile contre le président Yoweri Museveni. Traqué depuis l’émission d’un mandat d’arrêt par la CPI en 2005, mais toujours introuvable, le fugitif, prophète autoproclamé, est accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans un conflit qui a causé la mort d’au moins 100 000 personnes selon l’ONU.

    Reportage dans son village natal, à Odek, dans le nord de l’Ouganda

    Lakoc Pa Oyo grimpe l’escalier pour monter le bloc rocheux surplombant les cultures de maïs autour du village d’Odek : « Ici, on est à Got Awere. C’est la montagne où Joseph Kony venait chercher de l’eau sainte. »

    Au sommet, de l’eau s’amasse à proximité de l’antenne récemment installée. Le voisin d’enfance de Joseph Kony se rappelle les débuts de la rébellion. Après le coup d’État de l’actuel président Yoweri Museveni en 1986, son ancien ami se présentait comme un prophète appelant à la protection de la communauté locale des Acholis : « Nous avions peur que Museveni, qui avait pris le pouvoir à des Acholis, viendrait se venger. Alors les Acholis devaient partir au combat pour l’en empêcher. Et puis, ça nous rappelait le coup d’État contre Milton Obote d’Idi Amin Dada, qui avait ensuite mené des massacres contre nous. »

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    Dans une région marquée par les violences communautaires suivant les multiples coups d’États post-indépendance. Lakoc Pa Oyo rejoint pendant huit mois la LRA : « On se battait, mais c’était plus dur pour nous. Il y avait plusieurs groupes rebelles, et ceux qui auraient dû se regrouper s’entretuaient, alors j’ai décidé de partir. »

    Seules quelques motos empruntent la piste en terre qui traverse le village, pas épargné par le groupe armé. En 2004, le commandant de la LRA, Dominic Ongwen, y mène une attaque sanglante. Assis sur un banc devant sa boutique, Banya Wilson, élu local pendant la guerre, défend comme beaucoup à Odek le chef rebelle enfant du village : « Tout n’était pas de sa faute ! Il n’a jamais voulu les massacres ou les enlèvements. Mais quand il envoyait ses commandants, ces derniers menaient leurs propres missions, c’est ça qui se passait. »

    Pour le commerçant, la justice doit aussi passer par un retour de Joseph Kony dans son village natal : « Le juger en son absence, ce n'est pas une justice. C’est comme si on ne jugeait personne. Il faudrait réussir à l’amener ici, que les gens puissent entendre ce qu’il a à dire, et l’entendre leur demander pardon. »

    Les habitants attendent surtout les réparations annoncées par la CPI suite au procès de Dominic Ongwen. 52 millions d’euros répartis dans la région entre plus de 50 000 victimes et des projets communautaires.

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