エピソード

  • Soudan: la faim, l'autre front de la guerre
    2024/11/25

    Les 19 mois de guerre au Soudan ont plongé le pays dans la plus grave crise humanitaire au monde selon l'ONU. Plus de 13 millions de Soudanais ont été déracinés par les combats. Plus de la moitié des 45 millions de Soudanais sont en situation de sous-nutrition aiguë, parmi eux, 8 millions en état critique. La faim, c’est l’autre fléau du conflit au Soudan. Si les deux armées sont accusées d’utiliser la faim comme arme de guerre, entravant le passage de l’aide humanitaire, celle-ci reste largement sous-financée et la crise au Soudan oubliée. Notre envoyé spécial s'est rendu à l'hôpital Al-Shuhada de Bahri, la banlieue nord de Khartoum tout juste reprise par l'armée régulière aux mains des paramilitaires des Forces de soutien rapide. À quelques centaines de mètres de lignes de front, une autre bataille s'y joue, qui fait désormais plus de mort que la guerre.

    De notre envoyé spécial à Bahri,

    Devant les portes du service de nutrition, Selwa Zakaria erre le regard dans le vide : « Mes deux filles sont mortes de faim. La première de 12 ans, il y a quatre mois. La seconde, d’un an et demi, est morte il y a une semaine. Nous n’avons rien à manger. »

    Dans le cabinet de Fatima Haroun, des bébés rachitiques se succèdent sur la balance : « Rien qu’au mois de septembre, nous avons enregistré 20 décès d’enfants de moins de cinq ans. Avant-hier, un bébé est mort ici, nous n’avons rien pu faire. Nous sommes face à une famine de niveau 1. Mais personne ne se rend compte de la gravité des cas que nous recevons ici. J’ai reçu une famille qui, lorsqu’ils n’ont rien à manger, diluent du limon du Nil dans une assiette ! »

    Des silhouettes fantomatiques patientent dans le hall de l’hôpital. Un jeune garçon, Fayad, la peau sur les os, est entre les mains du docteur Imad : « Quand je l’ai reçu aux urgences, il était déshydraté, en hypotension. Il manquait de sucre, d’eau, de tout. Fayad, est-ce que tu arrives à parler ? » Pas de réponse. Les lèvres du garçon remuent à peine.

    Ceux qui parviennent à fuir les zones cernées par les combats arrivent dans des états critiques. Azza Hussein vient de quitter le quartier de Samarab, à un kilomètre d’ici : « Il n’y avait pas de nourriture. Les marchés sont vides. Les gens meurent ici et là. Dans notre quartier, il y a eu 150 morts en deux semaines. Mes voisins, par exemple, ils sont morts de dysenterie foudroyante, et d’autres à cause de l’eau du puits. Et aussi, il y a la dengue. Les enterrements s’enchainent à la va-vite pour que les corps ne répandent pas les maladies. »

    À écouter aussiLes Soudanaises, violées et violentées, sont les premières victimes de la guerre

    En plus de la dengue, la malaria et le choléra se répandent. En temps normal, ces maladies ne tuent pas si elles sont prises en charge. Mais la faim en fait des fléaux, selon la directrice de l’hôpital Hadil El-Hassan : « Ce n’est pas une question de pénurie de médicaments. Ces décès s’expliquent, car les défenses immunitaires des gens sont au plus bas. Avec la guerre, toutes les usines, les marchés ont été détruits ou pillés. Les citoyens sont assiégés, ils n’ont pas accès à la nourriture. Et on ne peut pas leur en envoyer. Il faut que des corridors humanitaires soient ouverts, notamment vers les zones contrôlées par les Forces de soutien rapide. Dans ce chaos, il est impossible de donner des chiffres précis. Mais les morts à cause de la faim sont innombrables. Ils sont les résidus de la guerre. »

    Alors que la faim risque de tuer plus que la guerre, l’aide humanitaire reste sous-financée, elle est distribuée au compte-goutte. Ici, les Soudanais se sentent abandonnés.

    À écouter aussiSoudan: une guerre de généraux à l'origine de la plus grave crise humanitaire au monde

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  • Les Soudanaises, violées et violentées, sont les premières victimes de la guerre
    2024/11/24
    Dans le sillage de la guerre entre les deux armées du Soudan, les violences sexuelles contre les femmes se multiplient. Si les deux camps commettent des exactions, les Forces de soutien rapide sont tenues responsables de la grande majorité de ces violences faites aux femmes, selon les conclusions d’un rapport d’experts de l’ONU publié le 23 octobre. De notre envoyé spécial à Omdurman,Les troupes paramilitaires dirigées par le général Hemedti sont issues des milices janjawids, qui ont participé au génocide du Darfour au début des années 2000, au cours duquel le viol a été utilisé comme arme de guerre. Vingt ans plus tard, elles reproduisent à travers le Soudan leur campagne d’humiliation.À Omdurman, une victime a accepté de témoigner à condition de rester anonyme. Nous l’appellerons Fatima. La jeune femme de 28 ans a fui le quartier d’Oumbada sous le joug des paramilitaires. La rencontre est organisée à l’abri des regards dans une salle de classe d’une école convertie en centre d’accueil pour des familles réfugiées des combats. Le 14 janvier 2024, Fatima est enlevée par trois soldats des Forces de soutien rapide. Au prétexte que son oncle travaille dans les douanes, elle est accusée de collaboration avec l’armée régulière. « Ils m’ont emmenée dans une maison obscure. Il était minuit et demi environ. C’était très sombre, mais je pouvais sentir l’odeur du sang. Après m’avoir frappée, ils m’ont traînée par la jambe dans les escaliers jusqu’au deuxième étage. Le plus gradé d’entre eux est venu à moi. Il m’a dit : “Tu collabores avec l’armée. Je vais te violer pour jeter la honte sur ton oncle”. J’ai dit que j’étais tout juste mariée, que j’étais encore vierge. Il a dit : “Je ne connais pas ce mot”. Il m’a violée, pleure la jeune femme. Il est redescendu. Le deuxième soldat est monté, puis le troisième. »À lire aussiSoudan: les FSR lancent «une campagne de vengeance» contre les civils après la défection d'un général« J’étais devenue sa chose »Ce que raconte Fatima est arrivé à des milliers d’autres. Selon nos informations, les paramilitaires ont organisé un trafic d’esclaves sexuelles à travers le pays. Des centaines de femmes ont été vendues sur des marchés au Darfour. « L’un d’entre eux a dit : “Maintenant, on la bute”. Il a tiré en l’air. Mais l’officier a dit : “Non, moi, je la veux. Je la prends avec moi”. Il m’a dit que j’aurais la vie sauve à une condition : “Tu rentres chez toi, tu prends tes affaires, et à 5 heures du matin, tu pars avec moi. On va aller à Nyala, ou à El Fasher (au Darfour).” Après m’avoir violée, j’étais devenue sa chose, il pensait pouvoir faire de moi ce qu’il voulait. Quand je suis rentrée chez moi, je ne tenais plus debout. J’ai tout raconté à ma mère qui m’a dit : “Tu ne pars pas avec eux”. Elle a demandé au voisin de faire le guet. Il n’y avait personne dans la rue. À 3 heures du matin, on s’est enfui. »Une fois franchies les lignes de front, Fatima est interrogée par les renseignements de l’armée régulière. Ils veulent des informations sur l’ennemi. Personne ne se soucie de son état. C’est un nouvel enfer qui commence, celui du silence. « Quand mon mari l’a su, il s’est énervé, il a voulu divorcer. Au bout d’un mois, il a dit qu’il avait reçu un message de Dieu. Il a accepté de me garder à la condition que je ne dise rien à sa famille ni à personne. Chez nous au Soudan, ce sont des choses qu’on ne peut pas dire, c’est la honte. En dehors de mes parents, de ma tante, personne ne sait. »Quatre ans après la révolution contre le régime d’Omar el-Béchir, qui avait porté un vent d’espoir pour les femmes, les Soudanaises sont les premières victimes de la guerre.À lire aussiSoudan: les combats pour le contrôle d'El-Fasher entrent dans une nouvelle phase
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  • Cameroun: dans l'Extrême-Nord, le défi de l'enregistrement des naissances
    2024/11/23

    Plusieurs communes du Cameroun se sont lancées dans une course à l’enregistrement des naissances. Dans l’Extrême-Nord du pays, dans la commune de Mora, frontalière avec le Nigeria, on enregistrait moins de 9 % des naissances en début d’année. Pour remonter la pente, depuis le début de l’année, la mairie locale a multiplié les points d’enregistrement des naissances et recruté des agents qui se rendent dans les domiciles et les écoles primaires pour enregistrer les nouveau-nés et les élèves.

    De notre envoyé spécial à Mora, dans l’Extrême-Nord du Cameroun,

    Assis sur sa moto, Madi Abatchoua parcourt fièrement les rues rocailleuses de Mora, pour enregistrer de nouvelles naissances dans des familles qui peinent à se rendre dans un centre d’enregistrement. « Je sors souvent trois ou quatre fois par semaine pour aller enregistrer les naissances des enfants, je vois au moins 20 ménages par jour », explique-t-il.

    Cette après-midi, Madi est dans une famille qui vient d’accueillir la naissance de jumeaux. Les bébés sont en forme, rassure Salma, la mère, qui apprécie le fait que les agents recenseurs font désormais le déplacement vers les domiciles : « Avant, c’était tellement pénible. Peut-être le père était occupé, certains parents militaires pouvaient être en brousse... Le temps de partir, d’aller faire enregistrer les enfants à la commune, c’était compliqué. » Elle est donc ravie de ce nouveau système : « Je trouve ça très facile. Et c’est encourageant, vraiment, qu’on vienne identifier les enfants à la maison, les enregistrer à la maison. »

    Une méthode qui n’a pas tardé à porter ses fruits, car selon le bureau d’enregistrement des naissances de l’arrondissement de Mora, le taux est passé de 9 % d’enregistrement de naissance à plus de 50 % aujourd’hui.

    À écouter dans l'Invité d'Afrique midiIdentification des populations: «Il faut rendre gratuite la délivrance de l’acte de naissance et rapprocher l’état civil des usagers»

    « Presque 400 000 élèves n’avaient pas d’actes de naissance »

    C’est la même dynamique dans plusieurs villes de la région de l’Extrême-Nord. Selon le gouverneur de la région, Midjiyawa Bakari, il s’agit non seulement d’enregistrer les naissances, mais aussi de redonner une identité aux élèves et parents qui ont perdu leurs pièces d’identité en fuyant les exactions des djihadistes de Boko Haram. « Au plus fort de Boko Haram, l’État avait décidé de ramener toutes les écoles dans les centres urbains, le chef-lieu du département, beaucoup plus sécurisé. Vous imaginez ? C’était le sauve-qui-peut, on ne pouvait pas parler des documents. On s’est rendu compte, à la fin, quand il fallait présenter les examens, qu’on avait presque 400 000 élèves qui n’avaient pas d’actes de naissance. J’ai convoqué une réunion élargie avec toute l’élite extérieure. La justice, les chefs de cour ont mis à contribution leurs représentants aux niveaux départementaux. Et tout se passe bien. Les mairies se sont impliquées. »

    Les mairies de la région de l’Extrême-Nord ont été motivées grâce à une campagne d’enregistrement de naissance « MyName » initiée par l’Unicef et le gouvernement camerounais, afin d’enregistrer les enfants sans identité légale. Selon l’Unicef, 1,5 million d’enfants ne disposent pas d’actes de naissance, parmi lesquels 76 000 qui doivent présenter des examens de fin d’année.

    À lire aussiDans l'Extrême-Nord du Cameroun, des cas de malnutrition au camp d'Ouro-Dabang

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  • Dans l'Extrême-Nord du Cameroun, des cas de malnutrition au camp d'Ouro-Dabang
    2024/11/22

    Au Cameroun, les inondations dans la région de l’Extrême-Nord ont détruit des dizaines de milliers d'hectares de cultures et sinistré plus de 350 000 personnes ces derniers mois. Des sinistrés, regroupés dans des camps de recasement, comme celui d'Ouro-Dabang, près de Yagoua, sont aujourd’hui en proie à la malnutrition et aux maladies hydriques. Les ONG présentes tirent la sonnette d’alarme.

    De notre envoyé spécial à Yagoua,

    En cette période de l’année, il n’est pas rare de voir des enfants s’amuser au camp d’Ouro-Dabang, à Yagoua, dans l'Extrême-Nord du Cameroun, mais les adultes sinistrés, après les inondations et la pluie, redoutent désormais la maladie et la malnutrition. Assise devant sa tente, Marie est inquiète pour la santé de son bébé d’à peine un mois qu’elle porte dans ses bras : « J'ai accouché dans le camp, ça fait maintenant trois semaines. Je n'ai pas trouvé à manger. Je sens la faim aujourd'hui même. J'ai peur que mon enfant soit en train de souffrir de malnutrition. »

    C’est dans une clinique mobile, constituée d'une tente, de quelques chaises et de matériel médical, que les femmes du camp des sinistrés peuvent avoir quelques médicaments pour elles et leur enfant. Astou et sa fille de 11 mois sont en pleine consultation, alors qu'une trentaine de patients font la queue. « Je suis venue avec mon enfant parce qu'il a de la diarrhée et il a des éruptions cutanées, comme vous le voyez sur sa peau, montre-t-elle. Il chauffe aussi. C'est pourquoi je l'ai amené devant le docteur, dans l'espoir d'avoir des médicaments qui peuvent calmer l'enfant. »

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    Malnutrition, paludisme et infections respiratoires aiguës

    Selon les personnels de santé présents sur le camp, la plupart des enfants qui arrivent ici souffrent de maladies hydriques et la plupart présentent des signes de malnutrition. Liman Oumar, infirmier-chef, s’occupe des consultations pour le compte d’une ONG. « On fait le dépistage ici, il y a bon nombre de malnutritions et il y a aussi le suivi de la malnutrition. Il y a le paludisme qui est là et il y a les infections respiratoires aiguës chez les enfants, énumère-t-il. On voit en moyenne 30 à 50 personnes par jour. »

    Malgré les kits de toilettes remis récemment par le gouvernement, malgré l’apport des ONG qui ont bâti des latrines sur le site, les sinistrés vivent dans la promiscuité à Ouro-Dabang. Parfois, trois familles de plus de dix personnes partagent une même tente. Les sinistrés nourrissent le vœu d'être recasés sur place, dans des maisons plus dignes.

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  • Côte d'Ivoire: à Bouaflé, la tradition gouro en péril face au manque de sculpteurs de masques
    2024/11/21

    En Côte d’Ivoire, la communauté gouro cherche à préserver ses traditions ancestrales – c’est le cas de la sculpture de masques cérémoniels. Ils sont utilisés dans les danses populaires comme le zaouli, inscrit depuis 2017 au patrimoine immatériel de l'humanité. Le dernier grand maître sculpteur, Sabou Bi Botti, est mort il y a trois ans. Et les sculpteurs d’aujourd’hui peinent à transmettre leur art à la prochaine génération.

    De notre envoyé spécial à Bouaflé, le chef-lieu de la région de la Marahoué,

    Un rythme effréné, une danse saccadée, un masque coloré, c'est la trinité du zaouli, la cérémonie populaire anime les fêtes gouros en Côte d'Ivoire. Sous un soleil de plomb et un costume rouge, le danseur arbore ce jour-là un visage écarlate surmonté de deux biches – une scène au sens caché.

    Ces masques décorés, Samuel Irie Bi Wable en sculpte chaque jour dans son atelier. Les pieds dans les copeaux, couteau en main, l’artiste façonne une pièce en bois. « Je suis en train de creuser actuellement l'arrière du masque. Ça, c'est un masque-dame appelé le flaly », explique-t-il.

    Samuel est l’héritier d’une lignée de sculpteurs. Le quinquagénaire exerce depuis plus de 30 ans, mais il n’a pas de successeur, faute de moyen. « Compte tenu du fait que nous-mêmes nous sommes livrés à nous-mêmes, si nous avions les moyens d'encadrer nos apprentis, nous le ferions », regrette-t-il. Et pour lui, si les masques venaient à disparaître, ce serait la fin de la tradition : « Sans le masque, il n'y a pas de tradition. C'est une chaîne. Il faut entretenir tout ça. »

    « La transmission, c'est bien. Mais il faut que ceux qui font cette pratique puissent vivre de leur art. »

    Cette crise des vocations préoccupe le directeur régional de la culture. Lui-même gouro, Mathias Goore Bi Glan veut valoriser ce patrimoine. « Quand il n'y a pas de transmission, il y a un frein qui s'installe. Donc ce que nous faisons ici, dans la Marahoué, c'est essayer d'identifier tous nos praticiens, de les former à la transmission de leur art. »

    Mais selon lui, les efforts ne peuvent pas se faire uniquement sur la transmission en tant que telle : « La transmission, c'est bien. Mais il faut que ceux qui font vraiment cette pratique puissent vivre aussi de leur art. Donc, il faut en faire la promotion. »

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    La promotion passe entre autres par les associations. Parmi elles, la Fédération du Zaouli. Gérard Tra Bi Tizié, l’un des responsables, a peur de voir sa culture disparaître. « C'est ce que nous ont laissé nos ancêtres. Si nous, à notre tour, on ne perpétue pas, qu'on laisse mourir, ça veut dire que nous n'avons plus de repères, alerte-t-il. Si les artistes vivent de leur art, ils vont insuffler un nouveau souffle, de nouveaux pratiquants vont plus s'intéresser à la culture. »

    Et pour attirer la nouvelle génération, l’association compte sur des évènements comme le Festival international du zaouli – la 1ʳᵉ édition se déroulera du 4 au 8 décembre prochain.

    À lire aussiCôte d'Ivoire: lutte contre la déforestation à Bonon, un bras de fer entre l'État et les planteurs [1/2]

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  • Côte d'Ivoire: lutte contre la déforestation à Bonon, un bras de fer entre l'État et les planteurs [1/2]
    2024/11/20

    La Côte d’Ivoire a la lutte contre la déforestation comme priorité nationale, l'a-t-elle rappelé pendant la COP29 à Bakou. Le pays a pour objectif de restaurer jusqu’à 20 % de son couvert forestier de son territoire d'ici à 2030. Pour cela, les autorités luttent notamment contre les cultivateurs installés illégalement dans les forêts classées, les aires protégées et les parcs nationaux. C'est le cas dans la forêt de Bouaflé, dans le centre du pays. Près de la localité de Bonon, la Société d'État chargée du développement des forêts Sodefor a commencé à évacuer les planteurs auparavant tolérés.

    De notre envoyé spécial dans la région de Bouaflé,

    Autour de la piste qui mène vers des parcelles, la forêt n’est en fait qu’une succession de plantations : cacaoyers, hévéas, bananiers. Guessan Kouamé travaillait dans ces terres depuis ses 14 ans. Mais il y a deux mois, les garde-forestiers ont détruit sa maison : « C'est une maison de six pièces. J'y ai habité 50 ans, j'y suis arrivé en 1978 », raconte-t-il.

    Guessan était le chef de Deux-Côtes, un petit village réduit à un amas de gravats et de tôles froissées. Seul vestige : une pompe à eau installée il y a quatre ans, avec l’aide du Conseil café-cacao. Guessan Kouamé dit avoir tout perdu : « Aujourd'hui, on doit tout arrêter. Cela fait deux mois, au moins, que je ne gagne plus un centime », explique-t-il.

    Deux-Côtes fait partie d’une douzaine de campements rasés mi-septembre. C’est également le cas de Tenge Koffikro, où se trouvait une école primaire. Pour le moment suspendue, l’opération de la Sodefor est rejetée par Constant, l’un des planteurs. « Nous sommes installés depuis longtemps ici, la déforestation ce sont nos parents qui avaient fait cela, ils ont planté, et comme cela a séché, il n'y a plus de forêt, c'est de la jachère », explique-t-il.

    Sur les images satellites, une quarantaine de campements constellent la zone classée de 20 300 hectares. De la simple baraque, au petit village de 60 cases, ces installations sont entourées de parcelles cultivées.

    Pour la Sodefor, les planteurs déciment les restes de forêt naturelle et les parcelles reboisées. Une cinquantaine d’agents ont été déployés pour évaluer les surfaces déforestées, entre autres. Le lieutenant Salim Konaté gère la forêt au nom de la Sodefor.

    Lui souhaite que l’évacuation aille jusqu’au bout : « Aujourd'hui, la forêt classée de Bouaflé est dans un état très alarmant. L'année dernière, en 2023, nous avons fait 300 hectares de reboisement, mais après la mise en place de ces reboisements, ils ont décimé ces 300 hectares. Cela fait mal. Sans la forêt aujourd'hui, comment fait-on ? Il n'y a plus de vie sans forêt ! », se désole-t-il.

    D'ici à 2030, la Côte d’Ivoire a pour objectif de reboiser 100 000 hectares par an.

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  • Ouganda: la troupe satirique «Bizonto», entre succès populaire et censure étatique [3/3]
    2024/11/20

    Ils ont fait de l’humour une arme contre les injustices et la mal gouvernance… Rencontre avec les comédiens de la troupe ougandaise « Bizonto ». Ils sont journalistes et humoristes, populaires pour leurs vidéos satiriques, où ils dénoncent toutes les gabegies de leurs autorités. Reportage d'un tournage d’un de leurs sketchs.

    De notre correspondante de Kampala,

    Ce matin-là, les comédiens se retrouvent dans une résidence isolée en banlieue de Kampala. Kidomoole est le fondateur du groupe : « Nous avons travaillé dans plein d’endroits, mais les propriétaires sont menacés. Du coup, nous sommes devenus nomades… »

    Les textes sont scandés en musique, le ton est satirique, mais le message est éminemment politique. Ce jour-là, dénoncer l’impunité après l’effondrement d’une décharge qui a fait 30 morts. Mbabaali Maliseeri est l’un des comédiens : « Ici, les gens bataillent pour leur quotidien, donc ils n’ont pas envie d’écouter des discours trop sérieux. Si tu veux être écouté et que ton message passe, il faut l’épicer un peu et y mettre une touche de comédie, sinon les Ougandais t’ignorent. »

    À lire aussiEn Ouganda, la musique de Brass for Africa transforme des vies dans les bidonvilles de Kampala [1/3]

    Résister par l'humour, même après un séjour en prison

    Si l’humour permet de conjurer l’ennui, Bizonto n’a pas toujours échappé aux fourches caudines de la censure. En 2020, ils ont séjourné en prison après qu’une vidéo sur le président Yoweri Museveni et son entourage est devenue virale : « Nous étions à la radio le jour de l’arrestation, à l’antenne. Un groupe d’une douzaine d’hommes armés, avec des armes à feu et en armure, est entré dans le studio pour nous embarquer. Ils nous ont accusés de sectarisme ».

    Les comédiens de Bizonto risquent alors cinq ans de prison, mais sur la toile leurs fans se mobilisent. Ce soutien populaire a conduit à leur libération : « Les autorités ont réalisé qu’en nous arrêtant, ils nous ont donné plus de pouvoir et de visibilité. Mais récemment, quelqu’un s’est accaparé de nos plateformes de diffusion sur internet. Ils ont payé quelqu’un pour essayer de nous mettre à terre et nous faire perdre notre audience. Donc la censure ne nous embête pas vraiment. Mais ils ont trouvé un autre moyen pour essayer de nous contrôler et de limiter notre influence ».

    Malgré la répression, les comédiens de Bizonto résistent avec leurs sketchs vidéos dans lesquels ils ont choisi d’apparaître systématiquement habillés en soutane : « Les messages que nous faisons passer devraient être portés par les hommes d’Église, mais ils ne le font pas à cause des menaces, donc on s’habille comme eux, on chante comme eux, et on fait passer les messages ».

    À lire aussiOuganda: le retour des reliques des premiers martyrs chrétiens [2/3]

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  • Ouganda: le retour des reliques des premiers martyrs chrétiens [2/3]
    2024/11/18

    C’est un retour à forte portée symbolique et historique : celui des restes de deux « martyrs ougandais », des jeunes convertis exécutés, il y a plus d’un siècle, pour avoir refusé de renoncer au catholicisme. Canonisés en 1960 et conservés depuis au Vatican, ils ont été rapatriés à Kampala cet automne pour y être exposés.

    De notre envoyée spéciale à Kampala,

    « Ici, vous avez la mâchoire de Mathias Mulumba. Et là, le fémur de Charles Lwanga » : Muhido Brian Kihemu est le guide de l’exposition.« Ils travaillaient comme serviteurs à la cour du roi du Buganda. Et sont parmi les premiers Ougandais convertis au christianisme à l’arrivée des pères blancs en 1879. Ils ont contribué à diffuser le catholicisme. »

    Samson, un séminariste, entre dans la pièce et s’agenouille devant les reliques. Il a traversé l’Ouganda pour se recueillir devant les restes de ces deux martyrs exécutés en 1885, sur ordre du roi du Buganda et sans lesquels il ne serait peut-être pas catholique.« Ils ont dû souffrir, ils ont été tués pour avoir refusé de se plier aux injonctions du roi. Quel courage, alors qu’ils étaient jeunes et catholiques depuis peu. C’est vraiment inspirant. Et émouvant ! »

    Les premiers pères blancs sont plutôt bien reçus. Le roi d’alors, Mutesa les autorise même à établir une mission, non loin de son palais. Mais les conversions s’accélèrent et le roi meurt. Son fils qui lui succède au trône subit des pressions. David Tshimba, chercheur et l’un des commissaires de l’exposition. « Le nouveau roi n'a que 18 ans et il est entouré d’hommes politiques très ambitieux qui ont perçu sa sympathie pour ces jeunes convertis. Ils ont peur d’être remplacés et sont déterminés à les écarter. »

    Le roi se laisse convaincre par son entourage que les jeunes convertis préparent un complot pour le renverser. Il ordonne l’exécution de ses serviteurs qui refusent d’abjurer. « Cette histoire est éminemment politique. Rien à voir avec les évangiles ou la lecture de Matthieu, Marc, Jean et Luc. Il s'agissait de décider que faire pour préserver un pouvoir qui était et qui est extrêmement menacé. »

    Les deux martyrs sont alors tués, leurs corps brûlés et démembrés. Les missionnaires enterrent leurs restes dans une boîte en métal, perdue dans l’incendie de leur église. Elle est miraculeusement retrouvée en 1964 à Rome. Ils sont les premiers martyrs d’Afrique Noire à être canonisés.

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