À Madagascar, c'est une explosion de couleurs et de questionnements que nous propose la Fondation H, fondation d'art contemporain située au plein cœur de la capitale. Sa nouvelle exposition, inaugurée jeudi 10 avril 2025, est une magnifique carte blanche offerte à Yinka Shonibare, artiste plasticien britannico-nigérian universellement reconnu mais qui, à 62 ans, n'avait encore jamais exposé seul sur son continent d'origine. L'exposition Safiotra Hybridités célèbre le métissage et la puissance de nos diversités et nous interroge sur ce que nous tous, collectivement, avons accepté comme étant l'Histoire, avec un grand H. Reportage réalisé à quelques heures du vernissage dont RFI est le seul média à avoir accédé à la Fondation avant l'événement.
De notre correspondante à Antananarivo,
« Peut-on regarder la sculpture de votre ''Astronaute réfugié'' (''Refugee Astronaut'') ? Que vous nous disiez si la manière dont on l'a installée vous convient ? », est-il demandé à Yinka Shonibare. « Oui. Whaou ! C'est super, ça rend hyper bien ! », répond celui qui vient tout juste d'atterrir à Madagascar.
À quelques heures de son vernissage, Yinka Shonibare déambule devant ses œuvres d'une vie, mises en valeur dans les salles lumineuses de la Fondation H. Du sol au plafond, ses créations ludiques éblouissent tant par leurs couleurs vives que par leur ironie. « C'est fantastique d'être ici, et incroyable de faire une exposition en solo, en Afrique », commente-t-il.
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L'exposition, intitulée Safiotra Hybridités, raconte des histoires métissées, des identités mélangées, et offre une autre lecture du monde, post-colonial surtout, que celles communément admises : « Mon travail consiste principalement à essayer de reconnaître la contribution des Africains. Quand j'ai étudié l'histoire, il était surtout question des réalisations européennes et pas tellement de celles des Africains. Donc, dans mes œuvres, j'essaie vraiment de célébrer les réalisations africaines, pas seulement en Afrique d'ailleurs, mais aussi dans la culture mondiale en général. Certains pourraient appeler cela de la ''déconstruction". Mais je pense qu'il est important que toutes nos voix puissent être entendues et enregistrées. Je pense que c'est également sain pour le monde, car lorsque vous créez une sorte d'opposition binaire, c'est en fait la raison pour laquelle les gens se font la guerre. Parce qu'ils ne comprennent pas l'autre personne. »
Dominique Tiana Rarafindratsimba, professeure en sciences humaines à l'université d'Antananarivo et directrice du Centre de recherche et d'études sur les constructions identitaires, a été chargée par la Fondation H de réfléchir à la perception du Safiotra, de l'hybridité dans la culture malgache : « Quelque chose qui est ''safiotra'' pour les Malgaches, puisque c'est ''mélangé'', puisque c'est ''croisé'', c'est plutôt vu négativement, comme le contraire de pureté, d'authenticité. Les œuvres de Yinka Shonibare pourront permettre de nous remettre un peu en question et d'accepter ce croisement comme partie prenante de notre histoire, et que le métissage, c'est le fondement même de l'identité de l'être humain et du Malgache surtout. »
Avec son African Library fascinante ou son Refugee Astronaut déroutant, l'artiste nigérian bouscule notre perception du monde et nous convie à le repenser différemment.
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