Au croisement de plusieurs influences, les Samaritains forment une communauté à part au Proche-Orient. S’ils s’affichent toujours en faveur de la paix entre Palestiniens et Israéliens, la réalité est plus compliquée pour eux : la guerre actuelle les pousse à un certain écartèlement. Reportage lors des célébrations de la Pâque des Samaritains, vendredi 11 avril, aux abords de la ville de Naplouse, dans le nord de la Cisjordanie occupée.
Les fêtes de Pessah pour les Juifs et la Semaine sainte des Chrétiens coïncident. Dans ce contexte, une communauté passe un peu sous les radars, celle des Samaritains. Ils sont environ 820 à ce jour, établis pour moitié à Naplouse en Cisjordanie occupée, l'autre moitié étant dans la banlieue de Tel Aviv en Israël. Un tableau d'autant plus compliqué qu'ils se revendiquent descendants des premiers Israélites, mais non-Juifs et sont détenteurs à la fois de la nationalité palestinienne et israélienne.
Sur les hauteurs du Mont Gerizim, c’est jour de fête pour la communauté des Samaritains. Drapé dans sa longue tunique et sa barbe blanche, le prêtre Hosni Wassaf salue avec déférence chacun des fidèles. « La Pâque samaritaine est l’occasion de célébrer notre sortie de l’esclavage imposée par Pharaon. C’est la fête de notre libération. Et chaque Samaritain au monde doit participer à cette célébration », explique l'homme de 80 ans.
Des bûchers sont allumés et des agneaux sacrifiés. Gaza n’est qu’à une centaine de kilomètres d’ici. Alors, malgré les sourires, l’amertume n’est pas loin, elle non plus. Sa petite fille, tenue par la main, Hind Ragheb, dit ne pas pouvoir s’empêcher de penser à ses compatriotes sous les bombes. « À cause de la guerre et de la situation politique dans laquelle nous sommes, on va avoir du mal à vraiment profiter de cette journée de fête, malheureusement. J’espère que Dieu prêtera patience aux mères de Gaza qui ont perdu des enfants ou leurs maris », implore-t-elle.
À la fois Palestiniens et Israéliens, les Samaritains sont sur une ligne de crête. « On croit en la solution à deux États. Un État palestinien aux côtés d’Israël. Il ne peut pas y avoir de paix sans l’existence des deux pays. Et nous, nous voulons la paix », affirme le prêtre de la communauté.
À cause de la guerre, les officiels palestiniens invités ont préféré décliner l’invitation. Les Israéliens ont fait un autre choix, eux : occuper le terrain. Des grappes de policiers et soldats en uniforme arrivent. Et enfin de façon plus inattendue, Yossi Dagan, le représentant des colons établis en Cisjordanie occupée. Lui, qui prône l’annexion des territoires palestiniens, multiplie les selfies et les discours politiques. « Cet évènement est une célébration des Samaritains, mais pas que. C’est aussi une fête pour tous les Juifs de Judée-Samarie. On est ici dans un village israélien. Je ne viens pas à titre privé ici, mais en tant que représentant de l’État d’Israël », clame Yossi Dagan.
Ce jour-là, armes en bandoulières, plusieurs partisans du Grand Israël, comme Ariel et son ami Elad : « On pense qu’une fois qu’on aura reconstruit le Temple de Jérusalem, on y tiendra, à l’avenir, des célébrations similaires à celle d’aujourd’hui », croit savoir Ariel. « Les Samaritains font partie de nous en quelque sorte », abonde Elad.
Confrontés au fait que les Samaritains se disent en faveur d'une solution à deux États, Elad a une réponse bien à lui. « Je vais te dire un truc. Ils sont politiquement corrects. Ils vivent sous autorité palestinienne, mais ils ont de nombreux proches à Holon près de Tel Aviv. Alors, ils essayent de passer entre les gouttes », clame-t-il en s'esclaffant. Tandis que les incursions des colons et de l’armée se multiplient à Naplouse – fief des Samaritains – la pression pour qu’ils prennent position n’a jamais été aussi forte.
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