エピソード

  • Sugarbana, le maître de l'Afrofusion à Lagos
    2022/09/26
    Coup de projecteur sur Sugarbana, un artiste de la scène Afrobeats nigériane. Chanteur de R'n'B à la base, Sugarbana s'est lancé très tôt dans l'industrie musicale. Il est signé par un label dès son adolescence et connaît très vite le succès à Lagos avant de dériver vers le Dancehall ces dernières années. De notre correspondant à Lagos,Généreux et très sociable, Sugarbana fait l'unanimité chez la nouvelle génération de la musique nigériane. Il multiplie les collaborations avec les grandes stars, comme Davido ou encore Teni, mais donne facilement une chance à des inconnus. Sugarbana se dit prêt à partir à l'assaut du monde avec son Afro Fusion.Les mains plaquées sur son casque, bien serré sur la tête, Sugarbana ondule en saccade. Seul face au micro. Un style unique entre Afrobeats et Dancehall. C'est la dernière séance d'enregistrement de Best Thing, le single destiné à toutes les plateformes de streaming. Dans une pièce à côté, Wana écoute et observe religieusement. Il est l'un des trois producteurs de ce morceau.« Sugarbana est déjà un nom connu de tous, ici à Lagos, au Nigeria, affirme Wana. Sugarbana, c'est une célébrité dans la rue. Il est donc très important pour nous, producteurs débutants, de collaborer avec à quelqu'un comme lui déjà implanté dans le monde de la musique. »À lire aussi : "L’Afrobeats est la nouvelle pop": retour sur un phénomène globalÀ 24 ans, Sugarbana alias Prince Ookafor a déjà plus de 10 ans de carrière musicale derrière lui. Et pourtant, à Lagos, il est toujours considéré comme le futur de l'Afrobeats. Tous les grands noms de cette scène musicale le citent comme modèle. « Je souris parce que l'industrie musicale est sur le point d'être secouée par une vibration massive, insiste Wana. C'est l'ombre de la nouvelle génération mélangée à la vibration de la vieille école. »L'an dernier déjà, sa reprise du légendaire hit de Sade, The Sweetest Taboo, tournait sur tous les smartphones et dans tous les clubs de la tentaculaire mégapole du Sud Ouest du Nigeria. Les yeux dissimulés derrière des lunettes de soleil aux verres teintés oranges, Sugarbana est comme un poisson dans l'eau dans les rues de Lagos. En particulier celles d'Ebute Metta. Son quartier.« Avant de venir dans le quartier aujourd'hui, on m'a déconseillé de venir parce qu'il y avait de la tension dans l'air, explique Sugarbana. C'était risqué pour moi de venir. En raison de ma réputation, moi Sugarbana, j'ai pu m'organiser correctement pour être ici. Donc la violence n'est pas quelque chose qui me fait peur lorsqu'il s'agit de ma communauté. Personne ne me veut du mal ici. »Faire ses premiers pas musicaux dans le studio de son grand frère Mr Real, la première star de leur famille, a été déterminant dans la trajectoire de Sugarbana. Certains de ses copains d'enfance sont des cultistes. Des membres de gangs se disputant parfois mortellement des parcelles de territoires. Sugarbana, lui, a choisi une autre voie.« Je sais que j'écris pour ma communauté, j'écris pour la rue, justifie l'artiste. Mais avant tout, mon style, ma musique et ce pour quoi je suis ici en tant que descendant. En tant qu'évangéliste dans le domaine de la grande musique, je sens que je suis ici pour faire de la musique pour le monde entier et surtout pour que les gens m'écoutent partout. »Dans sa villa moderne, nichée dans une zone résidentielle de Lagos, Sugarbana montre un autre visage. Celui d'un compositeur interprète dont le cerveau est en constante effervescence. Il est 10h du matin. La nuit a été très courte. « Je travaille toujours la nuit, j'écris toujours des chansons, explique le chanteur. Je complote toujours avec mes gars pour voir ce qu'il faut faire ensuite, parce que j'essaie de faire vraiment des choses en grand. Si vous remarquez, des gens comme Burna Boy ont vraiment porté la musique nigériane à un autre niveau. Des gens comme Wizkid, Davido et les autres. Et moi qui fais de l'Afro Fusion, je devrais être capable de me produire en Amérique avec le genre de musique que je fais. Je devrais faire mes propres tournées. Et je devrais pouvoir être là-bas avec les gens que je veux entendre chanter ma musique. Au-delà de l'Afrique. Je veux que ma musique soit quelque chose dont les gens parlent dans le monde entier. »Est-ce le discours d'un doux rêveur et arrogant ? Non, c'est simplement celui d'un gars d'Ebute Metta ayant toujours baigné dans la compétition de la mégapole aux 25 millions d'habitants.
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  • Moses Twahirwa, créateur de mode rwandais à la conquête des podiums européens
    2022/08/27

    Il est la star incontestée de la haute couture rwandaise. Ses créations sont même régulièrement portées par Paul et Jeannette Kagame. Il s’agit de Moses Twahirwa, le jeune homme derrière la marque Moshions. Son style inspiré des motifs et de coupes issus de la tradition rwandaise est en passe de conquérir les podiums européens.

    Situé au cœur d’un quartier chic de Kigali, la boutique Moshions a tout d’une enseigne de luxe : les clients s’y laissent bercer par de la musique lounge pendant que l’on mesure leur tour de taille. Le maitre des lieux, Moses Twahirwa, présente l’une de ses dernières pièces, le Bible Bag. Un sac de cuir noir inspiré à la fois de la forme d’une bible et de celle du bouclier de l’ancienne armée royale rwandaise.

    « J'ai fait mon exploration entre ce que je crois en tant que chrétien et ce que je crois dans la tradition, explique le créateur de mode. Je suis né dans une famille chrétienne, et mon père était pasteur. La bible a été une grande inspiration dans ma vie. Mais, il y a aussi le bouclier de combattant rwandais. Pour moi, la tradition signifie presque la même chose parce que ça donne la protection. »

    À l’étage au-dessus, c’est l’atelier, puis le bureau de Moses. Sur les murs, des photos en noir et blanc datant de l’époque coloniale et des esquisses de parures traditionnelles. Elles ont abouti fin 2021 à la création de la collection Imandwa, qui l’a propulsé à l’international. La ligne a été présentée au début de l’été à Florence. C’était le premier défilé Moshions en Europe. « Je me suis inspiré des ancêtres, leur façon de vivre, comment ils s'habillaient. Avant la colonisation, nos ancêtres s'habillaient dans des drapés. J'en ai utilisé pour construire les silhouettes de ma collection Imandwa. »

    Réflexion sur la vision de la masculinité

    Sur la chemise de Moses Twahirwa, des visages portant la coiffure traditionnelle, l’Amasunzu, et les yeux pleins de larmes. Ces motifs permettent à l’artiste d’honorer la tradition tout en questionnant la vision de la masculinité qu’elle véhicule : « Parfois, on est coincé avec la tradition. Au Rwanda, il y a ce proverbe : "Si tu es un homme, tu es vu comme faible si tu pleures". Donc, je me suis challengé pour montrer qu'un homme a le droit d'exprimer ses émotions de façon différente. On a le droit de pleurer, c'est normal de vivre avec un autre homme... En fait, toutes les choses soi-disant taboues et qui limitent l'expression de soi. »

    La dernière collection présente aussi une réflexion sur le genre, puisque de nombreuses pièces peuvent être portées par les deux sexes. Et le succès est au rendez-vous. La marque compte aujourd’hui 38 employés et vend une centaine de pièces par mois, principalement au Rwanda lors de ventes privées. Avant de le quitter, Moses Twahirwa fait la liste des célébrités qui ont visité son magasin. L’actrice vedette des films de Pedro Almodovar Rossi de Palma, Winston Duke, qui a joué dans le blockbuster Black Panther, ou encore l’écrivaine nigérienne Chimamanda Ngozi Adichie.

    À écouter aussi : Bénin: l'indémodable bomba

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  • Mahfousse, l'humoriste sénégalais au million d'abonnés sur les réseaux sociaux
    2022/08/20

    Au Sénégal, l'humoriste Mahfousse – de son vrai nom Cheikh Mahfousse Samb - cumule les vues sur YouTube où il réunit plus d’un million d’abonnés – sans compter le million sur Instagram et les 400 000 sur Facebook. L’artiste de 32 ans qui enfile les casquettes de comédien, youtubeur, influenceur et gameur a réussi à trouver sa place depuis 2014, après des années de galère.

    De notre correspondante à Dakar

    Toutes les semaines, Mahfousse piège une star sénégalaise dans une caméra cachée qu’il diffuse ensuite sur les réseaux sociaux. « J'aime bien piéger les gens, montrer l'artiste autrement. Mais, là, au Sénégal, je fais une caméra et... "eh Mahfousse, arrête-toi, où sont les caméras ?"... Donc c'est cramé pour moi », s'amuse-t-il.

    Le succès de son concept a obligé le jeune humoriste à embaucher des acteurs. Ce jour-là, c’est dans la bonne humeur qu’il répète le scénario de la semaine avec quatre comédiens pour piéger Gora. L’artiste croit qu’il a rendez-vous pour signer un contrat pour une série qui se passe aux États-Unis. Avant qu’une jeune fille ne crée un scandale. Mamadou Ba joue le rôle du producteur : « j'aime faire rire les gens, donc les jeunes comme Mahfousse, je le trouve professionnel et j'aime son travail. »

    C’est en 2014 que Mahfousse a commencé à diffuser ses vidéos humoristiques en imitant des youtubeurs français. Il interprète des personnages variés le temps de petites scènes de la vie quotidienne, mais cela ne décolle pas. « Maman m'a élevé en France avec son mari. Donc au début, les gens l'appelaient en lui disant : "ton fils est fou, il ne poursuit pas ses études, il fait des vidéos, il s'habille comme une femme". Quand je me moquais de comment les filles font des photos, avec la caméra à 360°, comme ça, bouche de canard. Une grande partie aussi de la population ne comprenait pas trop, disait que j'étais un homosexuel. C'était dur, parce que je n'étais pas connu, les gens ne comprenaient pas le concept, ça me faisait très mal. Mais, tu vois, quand on a des objectifs, il faut bosser dur pour les atteindre. »

    En février 2015, au lendemain d’une coupure d’eau massive dans la capitale sénégalaise, il publie une vidéo où il parodie la chanson « l’eau est revenue », du dessin animé Kirikou. C’est un succès. Puis, il se fait connaître avec le concept « Tom et Jerry, version africaine », où il imite les courses poursuites des deux célèbres mascottes américaines dans une maison familiale sénégalaise, accompagné de son petit frère.

    « Ce concept m'avait tellement boosté, les gens partageaient mes vidéos, j'avais gagné une grosse communauté africaine, pas seulement sénégalaise : des gens du Bénin le partageaient , des gens de la Côte d'Ivoire, c'est l'Afrique qui gagne. « Tom et Jerry », il n'y a pas de parole, pas de voix, il y avait que le son, tu tournes, tu fais des trucs et tout ça. Et les gens aimaient vraiment. »

    Sa société a désormais grossi et il mise surtout sur les vidéos de caméras cachées qui dépassent régulièrement les 500 000 vues. Depuis quatre ans, il arrive même à vivre de son art. Ses prochains projets : peut-être lancer sa propre série, s’internationaliser et développer le stand-up. « Il y a trois ans, j'étais au Parlement du rire, là-bas, en Côte d'Ivoire, une belle expérience pour moi, qui m'a vraiment poussé aussi à aller dans le stand-up, parce que c'est bien de faire rire dans le téléphone, sur le digital, mais c'est mieux devant de vraies personnes. Parce que tu vois un public vraiment cool, c'est super, ça te fait vivre. »

    S’il est inspiré par les actualités et la vie au quotidien, Mahfousse n’hésite pas à s’engager, même s’il tient à rester apolitique. Car il faut respecter les lignes rouges et assumer la responsabilité d’être autant regardé. « On sensibilise, mais aussi, on garde l'éthique et la déontologie pour ne pas enfreindre les règles de la société et les règles religieuses », explique Zé Actor, son bras droit avec qui il écrit les vidéos. « Il y a ces choses avec lesquelles on ne peut pas rire, par exemple, on ne peut pas manquer de respect à la religion, qu'il s'agisse du christianisme ou de la religion musulmane »

    Pour développer davantage la scène humoristique sénégalaise, Mahfousse demande à l’État un meilleur accompagnement, notamment dans la mise à disposition de salles et de financements.

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  • RDC: les breakdancers de Goma se battent pour professionnaliser leur art
    2022/08/13

    Nous prenons la direction de l’est de la République démocratique du Congo pour la suite de notre série sur les artistes africains à la conquête du continent. Goma est l’une des principales villes du pays et la ville est aussi devenue en quelques années un pôle de la danse urbaine en RDC. Faradja Batumike et Meshake Lusolo veulent changer l’image de leur art et faire briller le breakdance.

    Au foyer culturel de Goma, sport, musique et danse se mélangent. Chacun pratique son activité seul ou en groupe, une équipe vient de commencer son entraînement. C’est là, sur le macadam des terrains de basket, que Faradja Batumike a fait ses premiers spectacles de danse.

    « Rien n'est dédié uniquement à la danse à Goma. Même si c'est un métier culturel, la danse n'est pas trop comme d'autres disciplines. Au foyer ici, ils donnent des cours de danse, mais les musiciens qui ont appris ici ont beaucoup plus évolué que les danseurs qui sautent dans tous les sens. »

    En 2007, Faradja hésite encore entre le football et la danse. À l’époque, le métier de danseur n’existait pas et lui-même ne pensait pas en faire une carrière un jour.

    « D'abord chez nous, il n'y avait pas beaucoup de danseurs professionnels. Il n'y avait pas d'école de danse, il n'y avait rien. Il y avait juste des événements tout le temps, des shows, on dansait dans des écoles. C'était juste pour la popularité. Après j'étais un peu en solo et en 2009/2010 on a créé un autre groupe avec d'autres amis. C'est le groupe avec lequel j'ai évolué jusqu'à présent. À part ça, on a commencé à montrer l'image positive de la danse. À travers ça, on a encadré des enfants de la rue. L'idée, c'est d'élever les jeunes mais surtout de contribuer au changement social et positif à travers la danse, de faire connaître le hip-hop et l'esprit du hip-hop. »

    Devenu ambassadeur du hip-hop, il organise son premier festival, le Goma Dance Festival, en 2017, en même temps qu’il enchaîne les voyages, d’abord dans la région des grands lacs puis en Europe.

    Une discipline encore mal considérée en RDC

    Dans une des salles du foyer culturel, des danseurs répètent leur dernière création. Une pièce qui évoque le temps présentée par la Street Dancers Company à Kigali en juillet dernier. Les figures de breakdance se combinent aux mouvements de hanche inspirés de la rumba, la célèbre danse et style musical congolais. Au centre, l’un des représentants de la compagnie, Meshake Lusolo.

    « Chez moi à la maison, mon papa ne voulait pas que je danse. Il pensait que c'était du banditisme, donc tu n'es rien dans la communauté. Je voulais d'abord prouver à mon papa et ma famille que je pouvais réussir dans ça. »

    Comme Faradja, il est devenu au fil des années un activiste de la danse. Depuis 2015, Meshake organise le Dance Ya Kivu, un festival de hip-hop à Goma, et participe à des battles, souvent à l’étranger.

    « Quand on part en Europe, on essaie de puiser ce qu'on n'a pas, et on ramène, on essaie d'utiliser la force là-bas pour pousser les gens à faire mieux et à changer de mentalité, parce qu'on a mauvaise réputation. Quand on part là-bas et qu'on rentre, ça donne le courage aux autres artistes de pousser encore plus, parce que demain c'est leur tour. »

    Malgré le manque de moyens, d’espaces et d’infrastructures, Faradja Batumike et Meshake Lusolo espèrent bien faire de Goma la capitale nationale de la danse urbaine. Et pourquoi pas la capitale africaine ?

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  • Khayakazi Madlala, nouvelle voix lyrique sud-africaine
    2022/08/06

    En Afrique du Sud, si l’art lyrique et l’opéra ont longtemps été, sous l’apartheid, l’apanage de chanteurs blancs, les choses ont bien changé avec la fin du régime ségrégationniste et des voix noires émergent de plus en plus. Certaines, comme la soprano Pretty Yende, ont déjà conquis le monde. Toute une génération espère suivre sa trace, comme Khayakazi Madlala, jeune chanteuse en devenir. Claire Bargelès l’a rencontrée au conservatoire de Potchefstroom, à une heure de Johannesburg.

    Il suffit de quelques vocalises pour que la voix de Khayakazi Madlala enveloppe toute la pièce. En dehors de la scène, son grand sourire, son air calme et modeste ne laissent pas deviner la puissance qu’elle dégage lorsqu’elle se met à chanter.

    « Voici ma salle de répétition préférée. J’aime beaucoup le son de cette pièce et c’est chouette de répéter ici, pour s’entraîner devant le miroir comme devant un public. L’art lyrique est très strict, mais j’aime les difficultés qui vont avec. Pour chanter du gospel, je peux juste m’emparer du micro et y aller, mais pour ces airs d’opéra, je dois vraiment prendre le temps d’étudier, bien maîtriser l'œuvre et aussi savoir jouer un rôle. Mais ce sont tous ces défis qui me font adorer cet art. »

    Une voix unique en opéra

    Elle est bien loin, désormais, de son village rural du Cap Oriental, où elle a été bercée par des airs lyriques au sein de sa famille de mélomanes. De chorales scolaires en chœurs d’église, Khayakazi s’est peu à peu découvert une passion pour ces musiques. Après avoir incarné Mimi dans l’opéra La Bohème de Puccini, rôle dans lequel elle a été remarquée, la chanteuse de 27 ans enchaîne les concerts pour vivre de son art.

    « J’ai décidé de me produire après le décès de ma mère. Je devais m’occuper de mes frères et sœurs. Comme je suis l’aînée, eux quatre dépendent de moi financièrement. Et petit à petit, je me suis fait connaître et on m’a demandé de venir chanter pour différentes compagnies. »

    Lorsqu’elle n’est pas en représentation, la jeune soprano passe ses journées loin des robes à strass et des projecteurs, au sein de ce conservatoire de Potchefstroom, au sud de Johannesburg, où elle termine ses études. Elle y est venue pour suivre les cours de son professeur, Conroy Cupido, qui l’a découverte lors d’un concours de chant.

    « Ah c’est une super-star ! Je peux complètement l’imaginer sur n’importe quelle scène internationale, s'enthousiasme t-il. Elle a la voix pour, et la capacité de travail. Sa voix est vraiment unique, en opéra on appelle cela une voix "lirico-spinto", une voix imposante qui peut chanter Verdi et Wagner, et dont le son a une certaine beauté. C’est très rare. »

    Des talents contraints de partir à l'étranger

    Après la fin de l’apartheid, de nombreux chanteurs noirs ont pu laisser exprimer leur talent jusqu’alors ignoré. Ils brillent désormais sur les scènes mondiales, à l'instar de la soprano Pretty Yende ou du ténor Levy Sekgapane.

    Conroy Cupido n’est pas surpris de voir de nouvelles voix comme celle de Khayakazi Madlala continuer à émerger : « Beaucoup de chanteurs dans le pays développent un goût pour la musique classique et l’opéra grâce aux chorales de leurs communautés. Et ensuite, nous avons de bons cursus qu’ils peuvent suivre ».

    Malgré cette nouvelle dynamique, la jeune chanteuse ne voit pas son futur en Afrique du Sud, alors que le pays ne possède qu’une seule compagnie, celle du Cap, qui monte des opéras de façon régulière. Faute de financements, la compagnie de Johannesbourg, avec laquelle Khayakazi Madlala se produisait le plus souvent, a dû fermer ses portes en 2018. L’un de ses membres l’a faite renaître de ses cendres, mais sous une forme bien plus modeste.

    « Imaginez combien il y a de chanteurs en Afrique du Sud qui cherchent du travail. Donc cela nous pousse à partir à l’étranger, regrette t-elle. C’est assez triste, car cela consiste à prendre les richesses d’ici et les donner à d’autres. »

    Pour percer, Khayakazi Madlala entend désormais se présenter aux concours internationaux afin de se faire peut-être remarquer et espérer un jour faire des étincelles sur les scènes d’opéra du monde entier, comme d’autres compatriotes avant elle.

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  • Kayawoto, étoile montante du rap burkinabè
    2022/07/30

    Au Burkina Faso, s’il y a un artiste qui défraie la chronique à chacune de ses sorties, c’est bien le jeune Kayawoto. Depuis la sortie de son premier album Maouland, il y a à peine un an, l’artiste fait des concerts à guichets fermés dans les salles les plus célèbres de la capitale. Chacun de ses déplacements dans les villes du Burkina Faso est un événement. Même si certains observateurs de la scène musicale le trouvent un peu provocateur, pour Kayawoto l’objectif visé est le sommet.

    Il est l’un des rares artistes musiciens burkinabè à avoir fait le plein au Palais des sports de Ouaga 2000 et ses 5 000 places. Abdoul Kaboré à l’état civil, Kayawoto est l’une des étoiles montantes de la musique moderne burkinabè. « Kayawoto veut dire "ici c'est comme ça" en mooré. C'est aussi le nom de mon grand-père. C'est quelqu'un d'accueillant qui considère les gens qu'il rencontre comme sa famille. Il m'inspire beaucoup. »

    Avant de se lancer dans la musique, Kayawoto est passé par plusieurs métiers : orpaillage, électricité automobile, restauration, apprentissage dans les ateliers, pour finalement se retourner vers ce qui l’a bercé depuis son enfance. « J'ai grandi avec deux frères, un qui écoutait du reggae et l'autre du hip-hop. À travers le temps, j'ai su que c'était dans mon sang. » Kayawoto s'est lancé dans le rap avec une touche locale. S’exprimant en mooré, la langue la plus parlée au Burkina Faso, l’artiste aborde tout ce qui touche à la jeunesse. « Aujourd'hui, il y a des jeunes qui traversent la mer et le désert pour rejoindre l'Europe. Moi, je veux donner l'espoir à cette jeunesse et lui dire qu'on peut réussir au Burkina. »

    Révélation de l'année

    Découvert il y a quatre ans à l’occasion de l’enregistrement d’une compilation consacrée aux jeunes rappeurs, Kayawoto a déjà à son actif une douzaine de trophées, dont ceux du meilleur rappeur de l’année, de la révélation de l’année ou du meilleur clip de l’année obtenus avec son premier album. San Remy Traoré est son producteur et manager : « Nous avons découvert Kayawoto à travers une compilation que nous avons lancée il y a trois ans. On avait entrepris de produire une compilation qui allait révéler les jeunes rappeurs du Burkina Faso. Quand il a fait ses premiers freestyles, on a compris qu'il allait contribuer à la réussite du projet. »

    L'artiste est un provocateur. Son credo, sortir des sentiers battus. Son dernier clip Selamin est interdit de diffusion avant 22h TU sur les chaînes publiques et déconseillé aux adolescents par le Conseil supérieur de la communication.

    Mais pour Kayawoto, l'aventure ne fait que commencer. L'artiste vient d'achever sa tournée en Europe.

    ► À lire aussi : Waga Festival, patrie des musiques intègres

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  • Isaac, peintre digital malgache
    2022/07/23

    Il aimait le groove. Il rêvait d’être rappeur, pour pouvoir, dans un « flow », scander toutes ses révoltes. Isaac, né Isaac Azaly, est finalement devenu peintre. Un artiste polymorphe, passionné par la photo et la culture afro-américaine, qui a privilégié les images aux mots pour partager ses blessures, ses questionnements. Sans toutefois renier ses premières amours. Il dit avoir adapté les techniques du rap à sa peinture. À l'écouter, il ne peint pas, il compose.

    Dans son petit atelier situé au rez-de-chaussée d’une vieille bâtisse tananarivienne dans le quartier d’Ankadifotsy, des notes raisonnent en permanence. C’est là qu’Isaac, 37 ans, dort, mange, reçoit, crée et rêve aussi. Une pièce unique, spartiate, dans laquelle il a accepté de se dévoiler. « Je vois la peinture comme une couche de sample. Les samples, c’est des échantillons. C’est une manière de travailler dans la composition musicale, dans le rap, lorsqu’on crée des instrumentaux », explique-t-il.

    Lui ne superpose pas des sons, mais des images. En douze ans, Isaac a parfait sa technique de création. Tout commence d’abord sur Photoshop. « Je pars d’une matrice. C’est la première base du travail : c’est tous les éléments que je rassemble pour obtenir une image, une composition qui m’appartient. Et là, j’ai réuni différents éléments de différentes photographies, des parties qui me plaisent, et que je trouve esthétiques, et qui correspondent à ma vision des choses en ce moment. Des choses plus abstraites, qui laissent plus libre cours au voyage, à l’émotion, bien plus qu’avant. »

    « Pas de frontière, pas de barrière »

    Quelles que soient ses phases, Isaac s’est donné un principe : donner de la dignité aux personnes qu’il représente, par leur regard ou par leur attitude. Cette dignité, dit-il, qu’on a retiré aujourd’hui au peuple malgache et qu’il se doit de compenser. « J’aurais du mal à définir mon art aujourd'hui, explique-t-il, tellement il y a de références et de mélanges. C’est ce qui définit mon identité aussi, ces différentes couches, ces différents apports, que ce soit de l’extérieur ou d’ici. J’en profite dans ma création pour être le plus libre possible. Pas de frontière, pas de barrière. »

    Pas de barrière, mais des « freins » comme il les appelle pudiquement, qu’il s’est pris en pleine tête. En 2002, alors qu’il est adolescent, sa famille et lui sont contraints à l’exil, pour des questions politiques et sécuritaires. D’abord les Comores, puis la France et ses discriminations. « Une fois arrivé là-bas, j’ai compris ce que c'était d’avoir la peau noire. C'était une expérience à la fois traumatisante, mais aussi riche. Quelque part, je me suis construit une identité plus forte à travers ma couleur de peau. Quand je suis revenu à Mada en 2007, j’avais en moi une volonté de transcender un peu la réalité. Le fait d’avoir choisi de revenir, c’était très important dans mon travail. J’avais en moi une combinaison de rage et de volonté créative. »

    Et cette rage a payé. Aujourd’hui, Isaac vit de son art. Suffisamment, blague-t-il, pour avoir de quoi racheter des pinceaux et continuer à peindre. Depuis le Covid, les temps sont particulièrement durs sur l’île.

    Le café avalé en bas de la rue, Isaac et son 1,90 mètre se replongent dans l’obscurité. Un vidéoprojecteur projette sur une toile sa dernière œuvre numérique. Au feutre, il fixe les contours avant de peindre. Et avant que le délestage ne l’interrompe, une énième fois. « On ne s’en plaint pas. C’est une manière de vivre. C'est-à-dire qu’on a accepté cette réalité très difficile. C’est la culture du seum. Le seum devient un art, une force. Même dans notre quotidien le plus dur, on a toujours envie de créer. »

    Créer pour partager, provoquer l’étincelle, établir le dialogue, à Madagascar, mais au-delà de l’île, surtout. Isaac, l'enfant terrible de Majunga, s’est assagi. Mais dans ses œuvres, en embuscade : son insolence, inébranlable. « L’Arte vendica la vita », lâche-t-il malicieusement. L’art venge la vie.

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  • Ary Kueka auteur, compositeur et guitariste cap-verdien
    2022/07/16

    Nous partons au Cap Vert, précisément sur l’ile de San Antão, l’une des îles les plus sauvages de l’archipel. San Antão, c’est le fief d’Ary Kueka, un artiste qui monte, qui monte. Auteur, compositeur, guitariste, il a un temps disparu des radars et à 40 ans, vit une véritable renaissance. Ary Kueka, quand la musique sauve la vie.

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