エピソード

  • Denise Kyalwahi, journaliste indépendante, écologiste et menacée
    2024/11/16

    La COP29 arrive à la mi-temps... Les négociateurs ont encore une semaine pour tenter de parvenir à un accord, notamment sur l'apport financier des pays riches pour l'action climatique. Un rendez-vous, comme chaque année, très scruté. 3 575 journalistes sont enregistrés pour suivre la conférence de l'ONU pour le climat qui se tient à Bakou. Des journalistes environnementaux qui sont loin d'être épargnés par la menace qui pèse sur l'info. 70% des journalistes spécialisés interviewés par l'Unesco déclarent avoir subi des attaques, des menaces ou des pressions. Les difficultés sont parfois plus larges que cela. Témoignage de Denise Kyalwahi, journaliste de NaturelCD, basée dans l'est de la République démocratique du Congo.

    Denise Kyalwahi couvre des sujets variés comme les inondations, l'extraction de l'or ou encore l'exploitation des scories, un matériau volcanique. Des sujets parfois sensibles, alors elle n'est pas toujours la bienvenue sur place, comme cette fois-là lors d'un reportage sur l'exploitation illicite de bois. « Il y a quelques militaires qui n'ont pas voulu qu'on puisse entrer quand qu'on puisse accéder », se souvient la journaliste.

    Pour son reportage sur l'exploitation des scories du Nyiragongo, Denise Kyalwahi a dû prendre l'itinéraire bis. « On a essayé de voir comment rencontrer le chef de ce site, pour nous expliquer la situation qu’ils sont en train de traverser », raconte-t-elle. Elle est d’autant plus discrète dans des zones de conflit.

    « On ne montre pas qu'on est journaliste »

    « Quand il y a une zone couverte automatiquement par des milices, comme une zone de conflit, on ne montre pas qu'on est journaliste. Vous allez voir la personne avec qui vous souhaitez vous entretenir en cachette. Il vous explique la situation, puis quand vous lui demandez si vous pouvez sortir l’interview, la personne refuse », déplore Denise Kyalwahi.

    La journaliste spécialisée dans les questions environnementales a aussi subi des intimidations : « Le mont Goma est en train de disparaître petit à petit. Je faisais un reportage sur ce sujet et un militaire nous a aperçu de très loin quand on prenait une petite photo de l’endroit où la colline était cassée. Ils m’ont arrêté et ont dit que j’étais en train de voler les images pour les vendre. Ils ont pris l’appareil photo et sont partis avec en essayant de voir tout ce qui était à l’intérieur. Ils ont essayé de prendre mon téléphone. Quand ils ont vu qu’il n’y avait rien de spécial, ils m’ont dit d’effacer la photo du mont Goma. »

    Anticiper les arrestations

    Denise Kyalwahi a pu faire appel à un avocat et être libérée après le versement de 40 dollars. Elle compte aussi sur son réseau pour sa protection : « J'annonce d'abord au centre de presse que je veux aller à tel endroit, parce qu’une fois arrêtée, de l'autre côté, quand on va appeler la présidente de l'Union de la presse congolaise, elle va directement répondre : “Non, je connais cette journaliste, elle est partie là-bas.” ».

    Autres difficultés... logistiques. Journaliste indépendante, Denise Kyalwahi a reçu des invitations pour se rendre à plusieurs COP. Elle n'a pu s'y rendre faute de billets d'avion.

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  • Walid Bourouis, journaliste tunisien exilé en France
    2024/11/02

    En Tunisie, la révolution de Jasmin en 2011 avait libéré une presse longtemps muselée par le régime de Ben Ali. Depuis, Walid Bourouis a été témoin et victime de la dégradation progressive des droits de la presse. Pour avoir dénoncé la corruption au sein d’un média d’État, il a dû fuir son pays.

    Walid Bourouis commence sa carrière de journaliste dans le journal francophone Le Quotidien en 2009. À l’époque, le président Ben Ali dirige le pays d’une main de fer : multipartisme interdit, liberté d’association confisquée et presse muselée. Lors de sa chute en 2011, Walid Bourouis a 20 ans. Un vent de changement souffle sur le pays. La liberté de la presse se développe et Walid redécouvre son métier.

    « Je me souviens très, très bien la Une, le lendemain, de notre journal, c'est "Le vent de la révolution qui souffle". Le 14 juillet j’ai rédigé un article "La voix du peuple crie haro (?) sur le régime" et le rédacteur en chef a refusé en rigolant en disant que c’était peut-être un tout petit peu trop tôt, mais voilà, c'était la dernière fois que j’ai été censuré », raconte t-il au micro de Welly Diallo de RFI.

    L'euphorie n’aura pas duré longtemps. En 2011, il intègre Cactus Prod. Cactus Prod fait partie de ces médias « confisqués » qui appartenaient à la famille de Ben Ali et ont été réquisitionnés par l'État après la révolution.

    En 2016, Walid Bourouis dévoile une affaire de corruption au sein de son propre média ; au cœur de l'enquête : un détournement de plus de 4 millions d'euros. Des ministres se retrouvent face à la justice et l'affaire fait la Une dans le pays. Pour Walid, c'est le début d'un nouveau quotidien fait de menaces.

    « Depuis 2016, c'étaient des menaces et agressions, c’est le quotidien du quotidien… Je me souviens d'une grande manifestation où j’ai été agressé aux genoux avec 21 jours de repos et le visage aussi… C’était toujours ça. »

    Les choses empirent en 2022 lorsque Kaïs Saïed, président de la Tunisie, adopte le décret-loi 54 qui punit la « diffusion de fausses informations ». Le 16 juillet 2023, les journalistes descendent dans la rue pour défendre la profession. Walid prend la parole et critiques les actions du président Kaïs Saïed, la corruption de son entourage, ainsi que les violences policières exercées envers les journalistes.

    « C’était une journée de la colère parce que, la veille, Kaïs Saïed a prononcé un discours la veille où il traite les journalistes de malfaiteurs. Et c’est là qu’ont recommencé les menaces, mais cette fois accompagnées de poursuites judiciaires. Je risquais cinq ans à dix ans de prison donc c’est là que j’ai dû quitter le pays. »

    Depuis, poursuivi au titre du décret 54, Walid vit en exil en France, où il poursuit ses activités syndicales et son soutien à ses amis journalistes emprisonnés en Tunisie.

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  • Au Bénin, Flore Nobimé entend «poursuivre son métier, en dépit» du nouveau «code du numérique»
    2024/08/23

    Au Bénin, pays présenté comme une démocratie exemplaire, les entraves aux libertés individuelles se multiplient. Une nouvelle loi appelée « code du numérique » est utilisée pour sanctionner des journalistes avec des peines de prison. Travailler sur l’extrémisme violent ou l’insécurité peut entrainer des poursuites pour espionnage. Flore Nobimé, journaliste indépendante à Cotonou, souhaite continuer d’informer et d’enquêter malgré les risques encourus et les poursuites engagées à son encontre.

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  • Le journaliste camerounais Boris Bertholt, alias «initiales BB»
    2024/08/22

    C'est un nom et une signature connus dans l'univers de la presse camerounaise. « BB », pour Boris Berholt. Après avoir travaillé dans quelques-uns des principaux journaux camerounais, le journaliste est désormais installé en Europe et reste malgré tout dans la diffusion de l'actualité liée à son pays, via les réseaux sociaux. Au point souvent de dicter la production de la presse locale.

    En 2014, Boris Bertholt, journaliste à Mutations, quotidien paraissant à Yaoundé, quitte le Cameroun. Il est l'heureux récipiendaire d'une bourse Erasmus qui va, pendant deux ans, le conduire dans diverses universités en Europe. Dix ans plus tard, ses diplômes et même une thèse en poche, il n'est toujours pas rentré sur Yaoundé.

    Celui qui, malgré l'élargissement de ses horizons académiques et professionnels est resté journaliste, ne se sent plus tout à fait libre de retourner aisément chez lui. Cela car son intense production journalistique en ligne sur le Cameroun dérange parfois : « Je sais très bien que j'ai posé des actes ou j'ai révélé des scandales qui ont brisé les vies des gens, raconte le journaliste. Certains se sont retrouvés à Kondengui en prison, d'autres sont aujourd'hui sous enquête judiciaire ».

    Initiales « BB »

    Sur les réseaux sociaux, où il est très actif, le style du journaliste est très caractéristique. Ses initiales « BB », qu'il porte à l'encre jaune sur des documents confidentiels qu'il reçoit de diverses sources, accrochent le regard. Mais Boris Bertholt n'est pas épargné par des critiques : certains dénoncent une approche trop intrusive avec un soupçon de manipulation ou de désinformation.

    L'intéressé est conscient de ces critiques et les explique ainsi : « Je ne vais pas vous dire que je ne suis pas sensible à ce type de critiques, mais je ne peux rien y faire, parce que ceux qui les apportent, en réalité, s'inscrivent dans une stratégie de décrédibilisation du travail. Donc, ils sont dans leur rôle. Certainement parce qu'ils estiment que les informations qui sont portées à l'attention du public camerounais ne servent pas leurs intérêts, donc le seul paradigme argumentatif qu'il leur reste est justement de produire ce type de grossièreté. »

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    Un numéro anonyme

    Pour capter la somme considérable d'informations qu'il diffuse sur le Cameroun, Boris Bertholt dit s'appuyer sur le bon vieux carnet d'adresses cher à tous les journalistes, mais pas seulement. Il a eu l'idée de communiquer en dessous de chacune de ses publications, un numéro de téléphone où il reçoit, confie-t-il, un flot continu d'alertes et d'informations qu'il s'emploie ensuite de trier : « Il y a eu ce que j'ai lancé il y a cinq ans : mettre un numéro et demander aux gens de parler, de donner des informations. Pourquoi je l'ai fait ? Parce que j'ai compris qu'en réalité, les gens avaient la peur d'aller voir les journalistes. En mettant ce numéro, des informations disparates arrivent, des fois sur les sujets d'une délicatesse... Je peux vous assurer qu'il y a des sujets que je ne mets pas dehors. Je ne peux pas, même si je les partage avec deux ou trois personnes. Nous en rions ou nous décidons de creuser, et il y a maintenant le tri à faire. »

    Dans un pays comme le Cameroun, régulièrement pointé du doigt pour être liberticide et dangereux pour le libre exercice de la profession de journaliste, Boris Bertholt dit considérer son travail comme une forme d'engagement militant. Cela pour faire bouger les lignes sur la scène publique.

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  • Wael al-Dahdouh, symbole des journalistes palestiniens en temps de guerre à Gaza
    2024/08/21

    Le journaliste palestinien Wael al-Dahdouh, chef du bureau de la chaine Al Jazeera à Gaza, a perdu plusieurs membres de sa famille dans des frappes israéliennes. Depuis le 7 octobre 2023, il est devenu le symbole de la dure réalité d’informer sur la situation à Gaza.

    Nous sommes le 25 octobre 2023. Après une frappe de l’armée israélienne, dans le camp de réfugiés de Nuseirat, Wael al-Dahdouh apprend, presque en direct, la mort de sa femme et de deux de ses enfants : la scène fait le tour du monde. Le présentateur de la chaine, Abdisalam Farah, tente de contenir ses larmes à l’antenne : « Plusieurs membres de la famille de notre collègue Wael al-Dahdouh ont été tués dont sa femme, son fils et sa fille par une frappe israélienne qui a visé la maison de notre collègue qui était avec nous à l’antenne il y a quelques instants. »

    Le lendemain, Wael al-Dahdouh annonce qu’il reprend du service pour couvrir le conflit. Trois mois plus tard, il perd son fils Hamza, 27 ans, lui aussi journaliste pour la chaine qatarie : « Qu’a fait mon fils ? Qu’a fait ma famille ? Qu’on fait les civils ? Ils ne leur ont rien fait, mais le monde ferme les yeux sur ce qui se passe dans la bande de Gaza », déclare-t-il.

    Un journaliste professionnel

    Malgré les tragédies, Wael al-Dahdouh n’abandonne pas l’objectif de sa caméra. Né en 1970, ce père de huit enfants voulait être médecin dans sa jeunesse. Mais, à 18 ans, alors qu’il participe à la première Intifada, il est arrêté par les forces israéliennes et passe sept années en prison. Il racontera plus tard que cette expérience a contribué à sa formation politique. À sa sortie, il étudie le journalisme et les relations internationales avant de commencer à travailler à Al Jazeera en 2004.

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    C’est à ce moment-là qu’il rencontre Mahmud Hams avec qui il deviendra ami. Ce photographe de l’AFP découvre un journaliste au professionnalisme hors pair et pour qui les portes s’ouvrent facilement : « C’est un journaliste professionnel, il connaît la zone, il donne de très bonnes informations. En Palestine, tout le monde le connait parce qu’il vient de Gaza et parce que la chaine Al Jazeera est très populaire ».

    « Il faut un cessez-le-feu »

    Le 15 décembre 2023, à Khan Younes, au sud de Gaza, Wael al-Dahdouh et son cameraman Samer Abou Daqa sont visés par une frappe israélienne. Son compagnon de reportage succombe à ses blessures après avoir agonisé pendant plusieurs heures. Wael al-Dahdouh s’en sort avec une blessure à la main. Contre son gré, il quitte la bande de Gaza en janvier 2024 pour subir des soins à Doha au Qatar. Lui et son ami Mahmud Hams suivent désormais le conflit à distance : « Nous couvrons toujours le conflit, mais pas comme avant. C’est dur d’être loin de ce qui se passe là-bas. Nous ne pouvons plus y revenir, car les frontières sont fermées. Il faut un cessez-le-feu, cette guerre doit se terminer. Après, nous verrons pour y revenir ».

    En l’espace de quelques mois, le conflit est devenu le plus meurtrier de l’histoire récente pour les journalistes : plus d’une centaine ont été tués pour avoir exercé leur métier.

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  • RDC: Stanis Bujakera, défenseur d’une information certifiée emprisonné 6 mois à la terrible prison de Makala
    2024/08/20

    Notre série estivale Menaces sur l'information nous emmène aujourd’hui en RDC. Le pays a connu une année électorale avec les élections générales du 20 décembre 2023. Une échéance qu’a ratée le journaliste congolais Stanis Bujakera. Il était en prison, accusé d'avoir fabriqué une note attribuée à l'Agence nationale des renseignements (ANR), utilisée dans un article de Jeune Afrique, dont il est l’un des correspondants à Kinshasa, mais qu’il n’avait pas signé. Condamné en mars dernier à six mois de prison, il est sorti le lendemain pour avoir déjà purgé sa peine. Depuis, il continue son combat pour « l’info certifiée ». Retour sur son histoire.

    « Je poste ces vidéos pour alerter les autorités sur ce qui se passe dans cette prison, parce que les gens sont dans de très mauvaises conditions. Or, être prisonnier ne veut pas dire être puni à mort. Non, un prisonnier a des droits. » L’homme qui parle des conditions de vie à la prison de Makala, à Kinshasa, les connait bien, puisqu’il vient d’y passer près de six mois. Il s’agit du journaliste Stanis Bujakera, l’une des plumes de la presse congolaise, arrêté à l’aéroport de Kinshasa, le 8 septembre 2023, à trois mois de la présidentielle.

    « À trois mois de la présidentielle ? Peut-être qu'on a juste voulu contrôler l'information. Donc, je pense qu'on reste mobilisés et attachés à défendre les fondamentaux. Nous ne sommes pas des journalistes qui soutiennent l'opposition où qui soutiennent le pouvoir et nous défendons l'exercice d'un journalisme indépendant », rappelle-t-il.

    « Tout a été fabriqué »

    La machine judiciaire est alors lancée. Il est accusé de propagation de fausses rumeurs, suite à un article paru sur Jeune Afrique dont il est l’un des correspondants, mais qui ne porte pas sa signature. « Depuis le début de cette affaire, le procureur, le parquet et tous ceux qui étaient derrière ce dossier étaient dans ce que je vais qualifier, moi, d'une imagination. Tout a été fabriqué. Toutes les accusations ne reposaient sur rien, elles n'avaient aucun soubassement », dit-il.

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    Autour de son cas, une forte mobilisation se met alors en place, notamment du côté des équipes de Reporters sans frontières (RSF), interrogées ici lors d’une des manifestations parisiennes pendant sa détention : « L'idée étant de dire aujourd'hui devant l'ambassade : nous continuerons à nous mobiliser pour la libération de ce journaliste », témoigne un membre de l'ONG. « Qu'ils sachent que nous sommes là, que nous ferons tout. Nous avons déjà fait beaucoup de choses. Nous donnons le maximum de soutien pour qu'il soit libéré, tout simplement », assure encore un autre, déterminé.

    Même le président Félix Tshisekedi s'implique

    Les demandes de remises en liberté de Stanis Bujakera sont systématiquement refusées, et en février 2024, le président Tshisekedi s’exprime publiquement sur son cas : « Notre justice est malade. Je crois qu'il est victime un peu de ça et j'ai vraiment décidé d'y mettre mon nez. J'aurai le retour dès demain. »

    Arrive le 18 mars 2024, Stanis Bujakera est finalement condamné à six mois de prison : une peine qu’il a déjà purgée, il est donc libéré. « Quel soulagement. Ça m'a manqué, depuis le 8 septembre 2023. Je suis juste très, très content. Très content de retrouver enfin ma femme, mes enfants, mes parents », se rassure le journaliste.

    Depuis, il a bien repris la plume, mais surtout ses publications sur son compte X pour ses 627 000 abonnés.

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  • Soudan: Halima Idris, une journaliste au destin brisé par la guerre
    2024/08/19

    Suite de notre série Menaces sur l'information, consacrée aux journalistes qui accomplissent leur travail, partout dans le monde, en dépit des difficultés auxquelles ils sont confrontés. Nous partons ce matin au Soudan. Depuis le 15 avril 2023, le pays s'enfonce dans la guerre. Près de 10 millions de personnes ont été déplacées par les combats, dans ce qui est devenu la plus grave crise humanitaire au monde selon l'ONU. Entre les lignes de front mouvantes et les menaces permanentes des acteurs armés, le travail des journalistes soudanais est devenu un enfer. La plupart ont quitté le pays. Seule une poignée est restée sur le terrain. La journaliste Halima Idris était de ceux-là. En octobre dernier, elle a été assassinée à Omdurman, la ville voisine de Khartoum, dans l'exercice de son métier. Elle est l'une des sept journalistes tués depuis le début de la guerre.

    C'est l'un des derniers reportages de Halima Idris. La journaliste de 29 ans se tient face caméra, au milieu de la rue dans un quartier d'Oumdurman. Elle porte une tunique violette, sans casque, ni gilet pare-balle, difficile à se procurer alors que la capitale du Soudan est plongée dans le chaos. Quelques mois plus tard, le 10 octobre 2023, Halima Idris est violemment percutée par un véhicule conduit par des soldats appartenant aux Forces de soutien rapide du général Hemetti. Après l'avoir renversée, les paramilitaires la laissent pour morte sur le bas-côté. Elle succombera de ses multiples fractures.

    Une journaliste au cœur des combats

    Journaliste pour la télévision indépendante Sudan Bukra, Halima Idris avait commencé le métier en 2022 en couvrant les immenses manifestations contre le coup d'État militaire mené main dans la main par les généraux Abdel Fattah al-Burhan et Mohammed Hamdane Dagalo, alias Hemetti. « Nous demandons à al-Burhan et Hemetti de cesser les combats. La guerre doit s'arrêter. Chaque jour nous voyons des civils mourir sous nos yeux ». C'est pour ce genre de témoignages recueillis pendant la guerre que Halima Idris a été tuée. Au Soudan, les deux armées qui se combattent font tout pour contrôler l'information et diffuser leur propagande de guerre. Pour son travail, Halima Idris avait reçu de nombreuses menaces explique Abbas Al-Kheir, l'un de ses collaborateurs à Sudan Bukra :

    « Halima Idris représentait un danger pour les deux camps car elle travaillait au coeur des zones touchées par les combats. Elle se rendait dans les hôpitaux pour interviewer les blessés. Tantôt, les gens avaient été attaqués par les Forces de soutien rapide. Tantôt ils avaient été bombardé par l'aviation de l'armée régulière. Halima documentait tout cela. Elle fournissait des preuves irréfutables des exactions commises contre les civils par les deux côtés. Elle était devenue pour eux une cible ».

    « En tant que journaliste, il n'est plus possible de travailler de manière neutre »

    Malgré les bombardements et les tirs incessants, Halima Idris était l'une des seules journalistes à avoir décidé de rester à Khartoum. Cliniques de fortune, cantines populaires, réseaux d'entraide citoyens, dans ses reportages la jeune journaliste s'efforçait de couvrir la guerre au ras des vies civiles pris entre deux feux. « Aujourd'hui, au Soudan, en tant que journaliste, il n'est plus possible de travailler de manière neutre, indépendante et professionnelle. Immédiatement, tu risques d'être pris pour cible. Quelle que soit la zone où tu te trouves, si tu refuses de soutenir l'un ou l'autre des camps, si tu veux dire la vérité, tu risques d'être arrêté, tué, et ta famille avec », indique Abbas Al-Kheir.

    Plus d'une cinquantaine d'arrestations ont été recensées. Sept reporters ont été tués. Ces menaces perpétuelles contre les journalistes contribuent à plonger encore un peu plus la crise soudanaise dans le noir. Au Soudan, l'information meurt à petit feu, en toute impunité, et dans l'indifférence générale.

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  • Le journaliste Huy Duc risque sept ans de prison
    2024/08/15
    Au Vietnam, pays où le parti communiste a le monopole du pouvoir, la liberté de parole n’existe pas. Les journalistes qui osent critiquer le régime sont rares. Huy Duc était l’un d’entre eux, jusqu’au jour de son arrestation, le 1er juin 2024. Le commentateur chevronné risque sept ans de prison pour avoir « abusé des libertés démocratiques et publié des articles sur Facebook qui portent atteinte aux intérêts de l’État ». Le 2 juin, la rédaction vietnamienne de RFI est l’un des premiers médias à rapporter la disparition de Truong Huy San. Son nom de plume : Huy Duc.  La veille, le journaliste indépendant a été arrêté par des agents de la sécurité d’État à son domicile dans la capitale Hanoï. « Fouille dans la maison, arrestation soudaine du journaliste Huy Duc », écrit alors un blogueur vietnamien sur Facebook. Les médias d’État, eux, se taisent.  « Truong Huy San qui écrivait sous le pseudonyme Huy Duc a disparu le samedi 1er juin, il devait se rendre à une conférence dans un café de Hanoï, mais il ne s’y est pas présenté, indique Arthur Rochereau, qui suit les déboires de Huy Duc depuis Taïwan pour l’ONG Reporters sans Frontières, ses proches n’ont pas réussi à le joindre, et sa chaine Facebook a été fermée ». Il faudra une semaine aux autorités avant de reconnaitre son arrestation, et plus d’un mois pour qu’elles confirment que Huy Duc est accusé d’avoir « abusé des libertés démocratiques et publié des articles sur Facebook qui portent atteinte aux intérêts de l’État ». Le bloggeur, grande figure du journalisme indépendant vietnamien, encourt sept ans de prison. Peu avant la descente de la police chez lui, Huy Duc avait pris pour cible les cadors du parti communiste, et notamment le nouvel homme fort To Lam, nommé secrétaire général par intérim le 18 juillet, sorti gagnant d’une lutte de pouvoir et d’une campagne anticorruption surnommée « fournaise ardente ». Une campagne qu’il a lui-même mené d’une main de fer, en tant que ministre de la sécurité publique. Dans ces derniers articles, Huy Duc avait justement critiqué cette lutte anti-corruption et mis en garde contre les dangers de la concentration du pouvoir au sein du ministère de la sécurité publique.À lire aussiVietnam: le journaliste Huy Duc arrêté après des articles publiés sur Facebook« Aucun pays ne peut se développer durablement en s’appuyant sur la peur »« Aucun pays ne peut se développer durablement en s’appuyant sur la peur », avait écrit Huy Duc en mai sur sa page Facebook. « Il critiquait la boîte noire qu’est le bureau politique du parti communiste vietnamien, analyse Arthur Rochereau, et il dénonçait plusieurs nominations totalement arbitraires ainsi que le fait que les cadres du parti se permettent de se débarrasser d’éléments dérangeants dans leurs rangs ». Aucun autre journaliste ne connait aussi bien les rouages du parti unique vietnamien. Agé de 62 ans, Huy Duc a travaillé pendant de longues années pour des médias officiels, ce qui lui a permis de côtoyer des personnalités proches du pouvoir. En 2009, ce commentateur courageux et influent avait été licencié d’un journal d’État, après avoir dénoncé les abus de pouvoir de nombreux fonctionnaires. « Huy Duc était l’un des journalistes les plus expérimentés du pays, un journaliste très habile », estime Arthur Rochereau de RSF, « sa particularité réside dans le fait qu’il a réussi tout au long de sa carrière à tisser des liens avec les cadres du régime ».Sa page Facebook suivi par plus de 350 000 abonnésLes publications sur sa page Facebook, suivies par plus de 350 000 abonnés, sont appréciées pour leur liberté de ton et trouvent un écho même en dehors du Vietnam. En 2012, lors d’un séjour à l’université de Harvard aux États-Unis, Huy Duc écrit « The Winning Side » (Ben Thang Cuoc), un livre remarqué sur l’histoire et la politique contemporaine de son pays. « Les articles de ce journaliste indépendant sont une source inestimable d’informations permettant aux Vietnamiens d’accéder à des informations autrement censurées par le régime de Hanoï », fait savoir RSF dans un communiqué appelant à sa libération.Avec l’arrestation de Huy Duc, cette voix indépendante et critique a été muselée, comme tant d’autres dans le pays. Des défenseurs des droits humains affirment que le pouvoir vietnamien a accru, ces dernières années, les mesures répressives à l’encontre de la société civile et notamment de la presse. « L’arrestation du journaliste critique Huy Duc montre que le gouvernement vietnamien s’éloigne de plus en plus de la démocratie et de l’État de droit », regrette l’ONG Human Rights Watch dans un communiqué appelant à la libération du Huy Duc.Des journalistes qui osent critiquer...
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